
Contexte
Les bailleurs internationaux sont intervenus massivement dans les Territoires palestiniens depuis 1994. Une grande partie de ces financements ont permis la mobilisation de nouvelles ressources en eau et une augmentation de l’efficience de l’utilisation de l’eau dans un territoire aride. Ils ont supposé que les accords d’Oslo et la loi palestinienne de l’eau reflétaient la réalité de la gestion de l’eau.
Or, l’introduction de principes nouveaux à travers les accords d’Oslo et une gestion nationale de la ressource par l’Autorité palestinienne de l’eau (Palestinian Water Authority - PWA) a fragilisé les normes sociales qui régissaient le fonctionnement des gouvernances traditionnelles. De là sont nées des situations locales complexes où s’exercent différents registres de reconnaissance de droits d’accès à la ressource.
Il importe donc de comprendre comment chacune des trajectoires suivies par l’eau puisée dans un réservoir commun, qu’il s’agisse d’un puits ou d’une source, s’insère dans des faisceaux de droits et la manière dont ces faisceaux de droits sont aujourd’hui affectés par les projets financés par les bailleurs de fonds : qui s’est approprié l’eau rendue disponible par ces projets ? Selon quelles modalités ? Qui l’a perdue ?
Objectif
Ce programme de recherche s'est focalisé sur la dimension politique de la construction et de la transformation de communs. Il a cherché à comprendre la gouvernance actuelle des « paracommuns » de l’eau en Palestine, le terme « paracommuns » désignant les gains matériels potentiels issus de l’amélioration de l’efficience de systèmes puisant dans un réservoir commun de ressource naturelle, telle que l’eau. Le programme examine également comment on peut atteler les faisceaux de droits existant au sein des communs de l’eau pour en élaborer une gouvernance délibérative et équitable.
Il poursuit quatre objectifs :
- Quantifier les consommations d'eau nécessaires à la production des produits agricoles palestiniens en fonction des faisceaux de droits régissant l’eau ;
- Analyser la façon dont les trajectoires matérielles et institutionnelles de l’eau considérée comme « épargnée » grâce aux projets d’infrastructures visant à réduire les fuites dans les réseaux ont été modifiées ;
- Examiner la façon dont l’efficience est conçue au sein de chaque projet et par les différents utilisateurs, la façon dont ces utilisateurs mettent en avant des faisceaux de droits bien particuliers pour légitimer leur appropriation de la ressource et la façon dont les faisceaux de droits existants sont affectés par les projets ;
- Explorer les manières dont les changements dans la gestion d’irrigation ont pu améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau et qu’elles en ont été les effets.
Méthode
Le programme a comporté trois types de séminaires : des séminaires avec les membres du programme, des séminaires de recherche et des « séminaire de recherche action » qui ont associé, en sus des chercheurs, les agriculteurs des zones étudiées, des membres de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), des membres d’ONG agricoles palestiniennes, ainsi que des membres du ministère de l’Agriculture palestinien et de la PWA.
Le travail de terrain, très conséquent, s’est essentiellement déroulé au cours des 24 premiers mois du programme. Les terrains ultérieurs ont été réalisés pour trianguler les résultats obtenus par la métrologie, la cartographie et les enquêtes qualitatives. La diffusion des résultats a été réalisée par les publications, les séminaires et des panels organisés dans des conférences internationales.
Résultats
Le programme a permis la publication de plusieurs articles dans des revues à comité de lecture : Geoforum, Journal of Political Ecology, Environment and Planning E : Nature and Space, International Journal of Water Resources Development.
De nombreuses interventions ont eu lieu en lien avec le programme, et notamment :
- La 12ème conférence internationale de l’AFD sur le développement en 2016 sur la thématique « Communs et développement » ;
- La semaine mondiale de l’eau de Stockholm (Stockholm World Water Week) en 2017 ;
- Le premier Forum international de l’eau de Palestine (Palestinian International Water Forum) organisé en 2018.
Les résultats ont également été diffusés auprès du grand public à travers des interviews presse et radio, des conférences et des formations.
Enseignements
Ce programme de recherche met en évidence « l’utilité de reconnaître les communs qui gouvernent l’eau destinée à l’irrigation. Il mobilise la notion de communs pour comprendre les interactions de pouvoir en jeu au sein des transformations se réalisant sur des échelles locale, nationale et internationale. Il se saisit des externalités positives générées par les communs afin de transformer les interactions politiques et économiques aux échelles nationale et internationale. Bien qu’il s’appuie sur une étude de cas palestinienne, ce développement conceptuel peut être appliqué n’importe où. Les Palestiniens gèrent depuis longtemps l’irrigation en tant que communs au niveau local. Cependant, l’attention massive qu’a suscitée leur combat national a mené les chercheurs à se focaliser sur les institutions nationales plutôt que sur les institutions locales. Cette focalisation sur l’échelle nationale a aussi favorisé la perception de l’eau en tant que stock plutôt qu’en tant que flux, […] géré successivement par une variété d’institutions. Au niveau local, ceci nous permet de comprendre les interactions entre les petits agriculteurs et les agribusiness voisines, par exemple. Ceci nous permet de comprendre les bouleversements au sein des interactions de pouvoir qui ont lieu lorsqu’une économie marchande entre en interaction avec une économie humaine. Au niveau national, ceci nous permet de nous pencher sur la gouvernance des paracommuns. […] Il est maintenant urgent de faire face à la question de la gouvernance des paracommuns de l’irrigation palestinienne. » (Trottier, 2018)
Pour aller plus loin :
- “Les lois palestiniennes de l'eau : entre centralisation, décentralisation et mise en invisibilité” (Julie Trottier, juillet 2018)
- “Palestinian water laws: between centralization, decentralization, and rivalries” (Jeanne Perrier, novembre 2020)
- “The institutionalization of irrigation and the effects thereof: The case of the Palestinian water user associations” (Jeanne Perrier, novembre 2020)
Contacts :
- Julie Trottier, directrice de recherche, CNRS
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l’AFD

Contexte
Alors qu'elle recouvre 43% du globe, la haute mer – désignée par les juristes comme étant au-delà de la juridiction nationale – tend à être définie en creux. Elle est pourtant le siège d'activités humaines diverses (navigation, pêche, exploration minière…) et, dans le contexte actuel de changement climatique et de pressions anthropiques sur les écosystèmes, son état écologique fait l'objet de préoccupations croissantes. Depuis plus de 15 ans, celles-ci sont discutées à l'ONU dans le cadre d’échanges informels ayant abouti à une conférence intergouvernementale ouverte en septembre 2018 sur la conservation et la gestion de la biodiversité dans les zones au-delà de la juridiction nationale. En lien avec ce processus diplomatique, différents sites de haute mer sont rendus visibles par le plaidoyer d'organisations non-gouvernementales (ONG) qui appellent à leur protection. On retrouve parmi ceux-ci un phénomène situé dans le Pacifique tropical oriental : le dôme thermique du Costa Rica.
Objectif
Ce travail de thèse vise à étudier l’émergence du dôme thermique du Costa Rica sur le plan sociopolitique. Ce phénomène d’upwelling océanique est une remontée d’eaux froides riches en nutriments produite par les principaux vents et courants marins de la région, qui évolue de manière saisonnière entre les eaux sous juridiction des Etats centraméricains et les eaux internationales. Découvert à la fin des années 1940 par des océanographes étatsuniens, les enjeux relatifs à la conservation de sa biodiversité émergent depuis une dizaine d’années, principalement sous l’action de l’ONG régionale MarViva.
Dans la mesure où cette question implique des acteurs très divers (ONG, pêcheries hauturières, scientifiques, Etats, organisations intergouvernementales, etc.), cette recherche s’intéresse aux interactions et aux problèmes d’action collective formulés autour du dôme afin d’interroger les conditions d’émergence d’un commun d’une telle complexité. Comment le dôme est-il « construit » ? Par quels acteurs, à travers quels discours et en s’appuyant sur quels savoirs ? Quelles sont les collaborations et les polarisations qu’il cristallise ?
Méthode
Ce travail de thèse s’appuie sur une enquête qualitative multi-située, articulée autour de la collecte d’un corpus de documents écrits (littérature scientifique pluridisciplinaire, littérature grise, textes juridiques), d’entretiens semi-directifs et de moments d’ethnographie.
L’enquête est menée entre la France, le Costa Rica et le Nicaragua. Un séjour centraméricain a été organisé en 2021 afin de récolter la majeure partie des données par le biais d’entretiens auprès des acteurs situés entre différents sites côtiers (Puntarenas, Cuajiniquil, Playas del Coco, San Juan del Sur) et la capitale du Costa Rica, San José.
Résultats
Le principal résultat est la production d’une thèse de doctorat en géographie humaine, soutenue le 2 juillet 2024 : « Communs et océan : protéger la biodiversité marine dans les espaces hauturiers ».
Un papier de recherche a également été publié aux Editions Agence française de développement : Questioning fishing access agreements towards social and ecological health in the Global South (2021).
Enseignements
Ce travail a exploré la construction sociale du Dôme dans trois principaux champs : les sciences océanographiques, les pêcheries hauturières et le secteur de la conservation de la biodiversité.
Depuis son émergence en tant qu’objet social, le Dôme est resté un espace offshore, difficilement accessible et gouvernable pour des acteurs qui ont déployé diverses stratégies pour le connaître et l’utiliser. La recherche océanographique mobilise de manière grandissante la médiation technique pour déchiffrer un espace géophysique aux contours flous. Plusieurs pêcheries, en particulier des flottes industrielles de pêche lointaine, se sont approchées au plus près du Dôme. Ces rencontres ne se sont toutefois pas révélées stratégiques de manière constante et les pêcheurs continuent à le considérer comme un espace fluide aux configurations dynamiques qui servent des usages labiles.
Plus récemment, le Dôme est devenu un sujet d’attention pour le secteur de la conservation de la biodiversité. Des organisations environnementales non-gouvernementales ont pris le devant pour proposer différentes solutions de gouvernance en commun aux enjeux de protection de la haute mer. Pourtant, en tant qu’élément offshore, le Dôme reste à la limite du monde. Inappropriable, il invite à considérer un narratif autre que celui du « front océanique » – narratif particulièrement présent au cours des dernières années et qui s’appuie sur une vision d’ouverture et de vide océaniques comme opportunité d’expansion humaine et de contrôle.
A lire aussi : L’ouverture des sciences marines, au service d’un océan bien commun de l’humanité (The Conversation France)
Contacts :
- Nadège Legroux, docteure en géographie humaine
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l'AFD

Contexte
Alors que la notion de « communs » fait l’objet d’un regain d’intérêt remarquable dans le monde académique, peu de travaux se sont intéressés à la question du foncier pour l’habitat dans les villes des Suds. L’accès au sol urbain est pourtant un enjeu majeur pour les citadins de ces villes en pleine croissance, déterminant pour l’amélioration des conditions de vie quotidiennes et pour l’accès à un « logement convenable », selon la terminologie onusienne. L’approche dominante en matière de foncier urbain, orientée vers la pleine propriété privée et le marché libre, génère accaparement spéculatif et exclusion des ménages les plus précaires. La force critique de la notion de communs ouvre des voies innovantes pour produire de l’habitat dans les Suds, selon des perspectives plurielles et attentives aux besoins et pouvoir d’agir des habitants.
Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du programme de recherche de l'AFD sur les communs.
Objectif
Ce projet de recherche a permis d’analyser la diversité des communs, hybrides, perméables, évolutifs – dans l’espace et dans le temps – orientés vers l’obtention et la sécurisation de droits d’accès au foncier et à l’habitat et aux services associés, qui naissent bien souvent d’opportunités spécifiques. Il s’est penché sur les manières originales de détenir le foncier en commun, pour une fonction d’habitat et dans une perspective non-spéculative (quand le transfert du foncier s’effectue selon un encadrement décidé au préalable par le collectif, sans plus-value).
Méthode
La méthodologie reposait sur des études de cas dans les villes en développement :
- La première phase de l'étude (2017-2018) a permis de réaliser trois enquêtes de terrain au Burkina Faso, au Kenya et en Inde.
- La seconde phase (2018-2020) était constituée de deux terrains supplémentaires (Brésil, Mexique) ainsi que du suivi des travaux menés en Nouvelle-Calédonie par des étudiants dans le cadre de l’Ecole des Affaires urbaines (mastère « cycle d’urbanisme ») de Sciences Po Paris.
L'équipe était composée d’un universitaire habilité à diriger les recherches (HDR), qui a assuré la direction et l'exécution de l'étude, d’un ingénieur de recherche, qui a assuré la coordination scientifique de l'étude, de chercheurs locaux spécialistes des questions foncières et urbaines dans les pays d'enquêtes.
Le travail a été réparti en cinq phases : recherche documentaire, recherche terrain, traitement des données, rédaction des livrables, valorisation des résultats.
Résultats
Ce projet de recherche a donné lieu à la publication de plusieurs papiers de recherche aux Editions Agence française de développement :
- « Communs fonciers pour des villes inclusives » : ce papier de recherche présente les principaux enseignements de 8 cas d’étude de sécurisation de l’habitat populaire par la propriété partagée du sol.
- « Le sol social mexicain porte-t-il encore des communs ? » : les communs fonciers mexicains subissent des transformations majeures depuis les années 1990. Ce papier de recherche présente les travaux par les étudiants du Cycle d’urbanisme de Sciences Po Paris, encadrés par Jean-François Valette, sur la périphérie de la zone métropolitaine de Mexico.
- « Régulariser les favelas de Rio grâce à la mise en commun des terres ? » : lumière sur un dispositif original de régularisation foncière collective dans les quartiers précaires, qui met en oeuvre la notion de propriété plurielle parcourant le droit brésilien, et qui défend le droit des habitants à rester sur place.
- « Les coopératives d’usagers en Uruguay : le défi de l’habitat comme commun » (en espagnol)
Le rapport final du programme de recherche sur les communs fonciers pour l’habitat dans les Suds est téléchargeable en cliquant ici.
L’ensemble des publications et des événements liés au projet sont recensés sur le site suivant : Communs fonciers pour l’habitat – Quelle contribution à l’inclusion urbaine dans les Suds ? (hypotheses.org)
Enseignements
« Les communs peuvent s’entendre comme une politique sociale de l’habitat, en proposant un accès au logement aux catégories sociales les plus vulnérables. En outre, ils peuvent constituer une alternative aux politiques publiques de logement plus classiques tournées vers l’accès à la propriété privée individuelle. Si ces initiatives résultent de collectifs d’habitants organisés, elles sont parfois encadrées par les gouvernements nationaux. Souvent acceptés, encouragés voire érigés en modèles à suivre, les communs font l’objet d’une attention accrue ces dernières années par des fédérations d’habitants, des associations, ONG et institutions internationales qui documentent leur fonctionnement et contribuent à la circulation internationale de ces idées alternatives. » (Simonneau et Denis, 2021)
A lire sur The Conversation : Le partage de la terre est-il encore un enjeu en Nouvelle-Calédonie ?
Contacts :
- Claire Simonneau, enseignante-chercheuse à l'université Gustave Eiffel et chercheuse au laboratoire Techniques, territoires et sociétés (LATTS)
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l'AFD

Contexte
Ce projet tire son origine de la confluence de deux séries de phénomènes :
- La montée de l'exclusivisme propriétaire : au cours des 30 dernières années, la théorie dite des droits de propriété assure le primat de la vision actionnariale sur la vision managériale de l'entreprise. Aux alternatives classiques proposées par l'économie sociale et solidaire (ESS), basées sur des formes diverses de mutualisme et de coopérativisme, émerge un nouveau domaine d'activité, souvent qualifié d'économie collaborative, basé sur des formes diverses de partage mêlant gratuité et services marchands.
- L’économie numérique : cette nouvelle économie du partage a connu un essor d'autant plus spectaculaire que, dans nombre de cas, elle a bénéficié du développement de l'économie numérique. C'est ainsi qu'on a vu naître et se développer nombre d'entreprises qui utilisent désormais internet comme plateforme pour mettre en relations offreurs et demandeurs pour des produits ou des services les plus variés. Nombre de ces entreprises-plateformes revêtent les caractéristiques externes des communs.
Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du programme de recherche de l'AFD sur les communs.
Objectif
Ce programme a poursuivi cinq objectifs :
- Les deux premiers objectifs ont proposé de reconsidérer la notion même d’entreprise, tant dans ses dimensions « propriétaires » que dans celles qui relèvent de l'économie sociale et solidaire, en l’analysant notamment sous l’angle des faisceaux de droits qui la constitue.
- Le troisième objectif a consisté à mettre en évidence différents types de modèles économiques sur lesquels les nouveaux acteurs de l’économie collaborative peuvent asseoir leurs activités, en proposer des typologies et des cartographies.
- Le quatrième objectif a consisté à identifier les formes de rétribution qui peuvent permettre aux acteurs de l’économie collaborative de se rémunérer pour assurer leur reproduction à long terme.
- Enfin, dans une perspective internationale, le cinquième objectif a été d’explorer la manière dont des formes novatrices de mobilisation des acteurs et des communautés permettent le déploiement de formes nouvelles de création et d’exploitation des ressources.
Méthode
Le projet a été organisé en différents working packages (WP), qui mêlent et associent études historiques et études de cas, travaux quantitatifs et enquêtes qualitatives, dans différents domaines d'application, qui concernent tant des communs fonciers que des activités industrielles ou de services.
L'équipe mobilisée, fortement interdisciplinaire, comprend des spécialistes de l'économie, du droit, de la gestion des entreprises et du développement des pays du Sud. Sous la direction de Benjamin Coriat (Paris 13, UMR CNRS 72341), la recherche est conduite en relation avec quatre équipes partenaires : CEPRISCA (Université de Picardie), IRJS (Université Panthéon-Sorbonne), CREDEG (Université de Nice) et l’AFD. Le projet est cofinancé par le Crédit coopératif et le Labex ICCA.
Un comité de pilotage est institué qui comprend des représentants des quatre équipes partenaires et des financiers.
Résultats
Une partie des livrables et des résultats est disponible sur le site dédié au programme : encommuns.com
La conférence finale du programme (17, 18 et 19 novembre 2020) peut-être visionnée en replay.
Enseignements
Quatre séries de conclusions peuvent être formulées :
- Au-delà des formes codifiées de l’économie sociale et solidaire, on a assisté, dans la période récente, à l’émergence de formes sociétaires nouvelles (par exemple les entreprises à mission, les entreprises à but d’emploi, les entreprises sociales, etc.). Il existe sur le plan juridique une certaine flexibilité susceptible de favoriser l’adaptation des formes sociétaires et contractuelles aux objectifs du commun. Par ailleurs, certains communs sont en prise avec différentes expressions de l’intérêt général (accès à des biens essentiels, contribution à la protection de biens écologiques, etc.).
- Les modèles économiques observés sont dans l’ensemble fragiles, basés principalement sur le travail gratuit et bénévole, ou l’auto-entrepreneuriat. Trois grands modèles ont pu être mis en évidence et qui peuvent s’hybrider : « marchand », « hors marché », « en marché ». La difficulté à se reproduire pour nombre de communs vient de ce que les produits et services qu’ils délivrent ne sont pas conçues d’abord pour le marché mais pour fournir une utilité sociale ou environnementale, qui doit être reconnue par un « tiers contributeurs » (Etat, collectivité locale, etc.) à sa valeur par le marché.
- La recherche a établi que la question de la rémunération de la contribution aux communs ne suscite pas une réaction homogène : indifférence, rejet, dénonciation. La difficulté est de concilier l’absence de subordination et des formes de garanties d’existence. Des formes sociales originales émergent (exemple des coopératives d’activité et d’emploi), mais restent marginales et fragiles. Des outils juridiques comme les licences à réciprocité sont expérimentées mais doivent encore faire leur preuve. Enfin, les propositions en termes d’approche par les droits (« revenu contributif », « droits de tirage sociaux », etc.) sont à approfondir, notamment dans leurs modalités pratiques.
- Les communs dans les Suds peuvent prendre le relais de formes traditionnelles, sans pourtant en constituer des prolongements directs. Ils se déploient dans des contextes d’Etats faibles et de services publics défaillants ou inexistants. Ils peuvent être amenés à assumer des fonctions sociales nettement affirmées. Ils sont un terrain privilégié d’action pour les ONG et autres opérateurs de développement, pour renouveler les conditions de leur intervention.
Contacts :
- Benjamin Coriat, professeur émérite en économie, Université Sorbonne Paris Nord
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l’AFD