
Contexte
L’intégration commerciale a été très bénéfique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (ALC) au cours des trente dernières années. Cependant, de multiples crises (la crise financière de 2008, la pandémie de Covid-19, la crise climatique, etc.) ont questionné l’avenir du système commercial multilatéral. Par exemple, la pandémie de Covid-19 a mis en évidence la fragilité de certaines chaînes de valeur en raison de l’éloignement entre les usines de production et le lieu de consommation. Cela conduit à raccourcir certaines chaînes de valeur mondiales, à les rendre moins globales et plus régionales – un phénomène connu sous le nom de « near-shoring ». Ce nouveau contexte crée une opportunité pour les pays de l’ALC, et en particulier pour le Mexique, qui s’identifient comme la meilleure alternative pour la relocalisation des chaînes de valeur dans le modèle de « near-shoring ».
Historiquement, ce sont les États du centre-nord du Mexique qui ont le plus bénéficié des processus d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales : c’est là, à proximité des États-Unis, que se trouve la base d’exportation de l’industrie manufacturière. Par ailleurs, le Sud Sud-Est du pays présente des retards historiques qui ont freiné son intégration dans les chaînes de valeur mondiales, et limitent aujourd’hui sa capacité à tirer parti du nouveau contexte international.
Ainsi, il est nécessaire, lors de la conception des stratégies pour tirer parti de l’opportunité offerte par le « near-shoring », de tenir compte des spécificités de chaque région. Cette approche sur-mesure est essentielle pour définir des politiques publiques qui favorisent un développement régional plus équitable.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’Extension de la Facilité de recherche UE-AFD sur les inégalités. Coordonnée par l’AFD et financée par la Commission européenne, l’Extension de la Facilité contribue à l’élaboration de politiques publiques visant à réduire les inégalités dans quatre pays : l’Afrique du Sud, le Mexique, la Colombie et l’Indonésie sur la période 2021-2025.
Ce projet de recherche complète les travaux menés par l’Extension de la Facilité de recherche sur les inégalités au Mexique sur le système national de soins et sur l’impact redistributif des politiques environnementales.
Objectif
Ce projet vise à approfondir l’étude du « near-shoring » au Mexique, en identifiant les défis et les opportunités qu’il génère :
- Premier objectif spécifique : établir une proposition pour surmonter l’un des goulots d’étranglement les plus critiques identifiés par le secteur productif, à savoir la production d’électricité. Il est suggéré de combler le déficit d’investissement dans l’électricité à court terme, par des investissements dans la production distribuée avec des panneaux solaires, ainsi que d’explorer des options durables et équitables, en étudiant particulièrement l’État de Nuevo León (nord du pays).
- Deuxième objectif spécifique : identifier les secteurs économiques susceptibles de tirer parti du « near-shoring » et combler les lacunes existantes dans la formation des compétences et du capital humain, en mettant l’accent sur l’inclusion sociale et l’égalité entre les femmes et les hommes. Cela comprendra une analyse détaillée pour les États d’Oaxaca et de Veracruz (sud du pays), afin de développer les compétences dans les secteurs émergents et traditionnels, et de préparer la main-d’œuvre à tirer parti des opportunités à moyen et long terme.
- Troisième objectif spécifique : élaborer un plan stratégique pour la mise en œuvre d’un portefeuille de solutions, basé sur les recommandations identifiées dans le premier et le deuxième objectifs spécifiques.
Méthode
- Premier objectif spécifique : l’analyse de scénarios sera utilisée pour mesurer l’écart entre la demande et la capacité de production d’électricité. Les scénarios de capacité de production solaire distribuée utiliseront des outils d’analyse spatiale des systèmes d’information géographique, tandis que les estimations sur la redirection des subventions seront tirées de sources publiques officielles.
- Deuxième objectif spécifique : générés à partir d’une combinaison de bases de données internationales et nationales, les indicateurs économiques seront utilisés pour identifier les opportunités de stimuler la diversification de la production électrique. Une analyse préliminaire suggérera les grappes industrielles à prioriser. Cela permettra de sélectionner des secteurs économiques susceptibles de déclencher un développement industriel, par le biais d’interventions dans le domaine de la formation professionnelle. Les écarts de compétences seront identifiés au moyen d’une analyse quantitative. Cette analyse documentaire sera complétée par des informations qualitatives (entretiens, groupes de discussion avec les acteurs clés…).
- Troisième objectif spécifique : le plan stratégique suivra une approche axée sur la mission (‘mission economy’) et inclura un plan d’action détaillé qui sera présenté au gouvernement fédéral mexicain. Le plan comprendra une carte des unités d’exécution possibles au sein des gouvernements fédéraux, régionaux ou municipaux, et une analyse des potentielles contraintes réglementaires et institutionnelles, ainsi que des alternatives stratégiques pour les surmonter.
Résultats
Vous trouverez ci-dessous les différents documents de recherche liés à ce projet :
En cours
Contact :
- Anda David, chargée de recherche à l'AFD et coordinatrice scientifique de la Facilité

Contexte
La Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao en Afrique : sa production représente 45% de la production mondiale et pèse pour 14% du PIB ivoirien. Cependant, la culture du cacao a été et constitue toujours un moteur majeur de la déforestation et de la dégradation des forêts, en Côte d’Ivoire comme dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.
Au-delà des démarches volontaires de certification guidées par les entreprises ou des coalitions privées (Commerce équitable, qualité environnementale, etc.), les lois nationales et des règles commerciales se développent pour freiner la déforestation et développer des pratiques de cacaoculture durables. Mais les règles contraignantes ne suffiront pas à infléchir les pratiques des producteurs. C’est pourquoi les États cherchent des solutions incitatives, qui concilient maitrise des dépenses budgétaires et rémunération des efforts des acteurs qui s’engagent pour une cacaoculture durable.
Un dispositif de bonus-malus fiscal à l'exportation du cacao de Côte d’Ivoire permettrait d’attribuer une prime aux exportations de cacao issu de coopératives s’intégrant dans une démarche de lutte contre la déforestation. Il s’appuierait sur le dispositif de taxation à l’exportation du cacao pour créer un mécanisme de fiscalité différenciée dont les bénéfices relatifs soient rétrocédés aux producteurs vertueux engagés dans des pratiques zéro-déforestation et qui pénaliserait au contraire les acteurs qui ne produisent pas d’effort. Mais ce changement de règles du jeu doit être confronté aux stratégies et à la mesure des coûts et avantages de chacun des acteurs pour prouver de son efficacité.
Objectif
Cette étude apporte un éclairage sur la faisabilité économique et financière de la mise en place du dispositif de bonus-malus fiscal à l'exportation. Les difficultés sont qu’il implique des chaines de transmission de l’incitation entre différents acteurs, qui ont des intérêts économiques différents, et qu’il doit s’intégrer dans un faisceau de règles de fixation de prix et de primes en vigueur en Côte d’Ivoire. Ces difficultés sont en revanche contrebalancées par l’intérêt à s’aligner sur les objectifs environnementaux du Règlement européen sur la déforestation dont dépendra largement la capacité d’exportation de la Côte d’Ivoire.
L'étude s’est penchée sur :
- La fiscalité ;
- Le rôle des labels dans la lutte contre la déforestation ;
- L'inscription du dispositif dans le droit ivoirien et international ;
- L'économie politique du dispositif.
Méthode
Le travail s'appuie sur un travail de terrain et une réflexion autour d’un modèle d’optimisation linéaire sous contrainte de budget fiscal neutre et d’atteinte d’un niveau de revenu rémunérateur pour les producteurs de cacao.
La démarche repose sur :
- Une analyse bibliographique ;
- Des enquêtes de terrain auprès d’opérateurs en Côte d’Ivoire et en Belgique, les exportateurs de cacao, les pouvoirs publics (Conseil Café Cacao, Initiative Cacao Côte d’Ivoire-Ghana, ministères), les coopératives du Programme Equité (financé par l'AFD), les partenaires ivoiriens de Commerce Equitable France (Réseau Ivoirien de Commerce Equitable, AVSF Côte d’Ivoire) et la société civile ivoirienne (plateforme ivoirienne pour un cacao durable) ;
- L’exploitation des connaissances acquises par Commerce équitable France en matière d’appui aux coopératives de cacaoculteurs ;
- La construction d’un simulateur sur tableur ;
- La mise en discussion des hypothèses de travail avec des experts du cacao en Côte d’Ivoire.
Résultats
L’étude AFD-CEF-Cirad propose une prime « coopérative » en lieu et place d’une modification de la règle de fixation des prix aux producteurs. Elle conduit à s’aligner sur le mécanisme de certification africain ARS 1000 qui se met en place.
Il est proposé que la prime soit de 250 FCFA/kg, qui correspond aux pratiques actuelles de certains acheteurs comme contribution à la structuration des coopératives et à la politique d’octroi d’un revenu décent. Ce montant est conciliable avec l’intérêt des exportateurs : il est proche du prix qu’ils consentent à payer pour obtenir un cacao certifié et il est égal au surcoût qu’ils auraient à assumer s’ils choisissaient de payer le malus plutôt que de bénéficier du bonus.
La faisabilité a en outre considéré que le prix du cacao certifié augmentera relativement sachant que le Règlement européen contre la déforestation encouragera les débouchés de ce cacao sur le principal débouché ivoirien au détriment du cacao non certifié. Le mécanisme conduit donc bien à créer une incitation pour les exportateurs à demander du cacao certifié, et celle-ci est réelle dès la deuxième ou troisième année de mise en place du mécanisme.
Enseignements
L’étude a débouché sur les recommandations suivantes :
- Le mécanisme doit rencontrer l’intérêt de toutes les parties prenantes à la filière, faute de quoi le blocage d’un seul maillon gripperait tout le système : la neutralité budgétaire pour l’Etat, la recherche d’un revenu décent pour les producteurs, une traçabilité effective pour les consommateurs et un intérêt des intermédiaires à basculer d’un achat de tout venant vers des produits certifiés sont des conditions de viabilité du mécanisme.
- Le mécanisme tire parti de l’expérience acquise par les organismes privés qui ont pratiqué la mise en place de normes volontaires de durabilité.
- Il y a tout intérêt à aligner la norme définie sur la norme africaine ARS 1000 pour le cacao durable, définie par les autorités et qui fait foi au niveau régional : cela créera un rapport favorable dans les négociations avec les pays importateurs et évitera que les moins-disants emportent la mise.
- Le mécanisme repose sur des évaluations ex-ante des quantités certifiées et nécessite donc des ajustements annuels : un mécanisme de soutien budgétaire annuel garantissant “zéro perte de recettes” devrait être mis en place.
- La crédibilité du mécanisme ne doit pas être fragilisée par l’incapacité des plus vulnérables à se conformer aux exigences : il convient de préparer un programme de soutien spécifique ciblant les petits producteurs de cacao en commençant par ceux situés à proximité des réserves forestières.
Pour aller plus loin
Contacts
- Alain Karsenty, chercheur au Cirad, HDR en sciences économiques
- Julie Stoll, déléguée générale Commerce Equitable France
- Benoit Faivre-Dupaigre, chargé de recherche à l'AFD

Contexte
L’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Le haut niveau d’inégalités de revenu du pays est principalement attribuable aux écarts extrêmes sur le marché du travail, où plus de 30 % de la population active est au chômage et ne perçoit aucun revenu (Leibbrandt et al., 2010 ; StatsSA, 2024). La réduction du chômage est donc au cœur des défis sociaux et économiques de l’Afrique du Sud, et elle est essentielle pour lutter contre les inégalités.
L’industrie du charbon est importante en Afrique du Sud et centrale pour la transition juste. Elle concentre d’après les estimations près de 200 000 emplois, soit environ 1,2 % de l’emploi total, et contribue à 5,4 % de la croissance du produit intérieur brut (Makgetla et al., 2021). C’est de plus une industrie géographiquement très concentrée, qui soutient une grande partie de l’activité économique locale et régionale dans les zones concernées, en particulier dans la province de Mpumalanga.
Ainsi, les potentiels impacts négatifs sur l’emploi de la transition énergétique et de la sortie du charbon représentent un défi socio-économique majeur pour ce pays qui doit encore faire face aux vestiges de l’apartheid. Il est donc essentiel d’anticiper et gérer les risques associés à ces effets négatifs potentiels sur l’emploi, afin d’éviter que les inégalités ne soient aggravées par une transition non planifiée.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’Extension de la Facilité de recherche UE-AFD sur les inégalités. Coordonnée par l’AFD et financée par la Commission européenne, l’Extension de la Facilité contribue à l’élaboration de politiques publiques visant à réduire les inégalités dans quatre pays : l’Afrique du Sud, le Mexique, la Colombie et l’Indonésie sur la période 2021-2025.
Ce travail s’inscrit également dans le cadre du dialogue de l’AFD avec les autorités sud-africaines sur la transition juste et l’identification des réformes à mettre en œuvre pour assurer une transition inclusive.
Objectif
On ne sait pas encore exactement combien de travailleurs seront touchés par la sortie du charbon, comment ils sont caractérisés selon l’âge, les compétences ou le niveau de revenu.
En quoi pourrait consister une politique efficace de protection sociale pour ces travailleurs ? Quel serait son coût et comment la financer ? Ces éléments sont essentiels pour concevoir et mettre en œuvre des politiques qui limitent les effets sociaux et économiques négatifs de la transition énergétique et évitent l’augmentation du chômage et des inégalités.
Ce projet de recherche :
- Permettra de dénombrer et de qualifier les travailleurs actuels dans le secteur du charbon et les industries connexes, à l’aide de micro-données fiables et spatialisées. Ce volet inclut une analyse de l’emploi, des salaires et des inégalités salariales.
- Proposera des mesures de protection sociale adaptées aux profils des travailleurs identifiés, assorties d’estimations de coûts et d’options de financement possibles. Les implications sur les inégalités salariales de différents scénarios politiques seront étudiées.
Méthode
Le projet de recherche peut être décomposé en quatre volets et porte sur les domaines d’analyse suivants :
- Utilisation des données fiscales pour identifier avec précision les employés à risque dans les industries minières, de production d’électricité à partir du charbon et les industries adjacentes au charbon, en les localisant spatialement à travers le pays.
Cela permettra d’estimer de manière fiable le nombre de travailleurs qui risquent d’être affectés par l’abandon du charbon.
- Production de profils détaillés des travailleurs identifiés comme à risque, selon le sexe, l’âge et les revenus.
Cet exercice servira à identifier des sous-groupes, ou cohortes, qui auront des besoins différenciés de protection et de soutien, en fonction de leurs compétences, de leurs revenus et de leur âge. Les données sur les revenus seront également utilisées pour examiner les inégalités au sein de la chaîne de valeur du charbon, entre la chaîne de valeur du charbon et l’industrie minière en général, et l’économie formelle dans son ensemble.
- Utilisation de cette caractérisation des profils de travailleurs pour proposer des options politiques adaptées aux différentes cohortes, afin de développer une réponse globale en matière de protection sociale.
Différentes combinaisons pourraient être proposées, comme des programmes de retraite anticipée, des subventions, ou des programmes de formation. En outre, l’étude fournira un panorama complet des politiques de protection sociale disponibles en Afrique du Sud et déterminera si elles pourraient s’appliquer aux travailleurs touchés.
- Examen des scénarios de réduction de l’emploi dans l’industrie du charbon et modélisation de l’estimation des coûts associés aux différentes politiques proposées.
Cela implique de modéliser les scénarios politiques envisagés sur tout l’horizon à temps plein des employés actuels. Cela fournira une vision chiffrée des implications de la politique de transition juste pour l’industrie sud-africaine du charbon, et des pistes de discussion sur les options de financement possibles. Les résultats permettront également de mieux comprendre les conséquences en matière d’inégalités qui pourraient découler des différents scénarios politiques de transition juste.
Résultats
Vous trouverez ci-dessous les différents documents de recherche liés à ce projet :
En cours
Contact :
- Anda David, chargée de recherche à l'AFD et coordinatrice scientifique de la Facilité UE-AFD de recherche sur les inégalités