Le Plan de l’Équateur vise à respecter les engagements nationaux et internationaux du pays en tant que membre de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) et signataire de l’Accord de Paris. Les objectifs sont donc d'aligner les politiques de lutte contre le changement climatique avec la planification du développement à long terme et de favoriser le débat national sur les options pour construire une société plus inclusive, faible en carbone et qui respecte les Objectifs de développement durable (ODD).
Le Plan constituera un guide indispensable à la réussite du pays vers une transition juste et faible en émissions. Le prérequis pour l’atteinte des objectifs fixés étant un engagement conséquent des secteurs identifiés dans sa Stratégie nationale d'atténuation du changement climatique : énergie, agriculture, industrie, secteur Uscuss (Utilisation des terres, changement d'affectation des sols et sylvicultures) et gestion des déchets.
À l’heure actuelle, le Maate travaille avec des experts de l’Université San Francisco de Quito (USFQ) et de l’Université du Costa Rica (UCR) chargés de créer des scénarios permettant une diminution de la production de gaz à effet de serre (GES) à long terme, en analysant les coûts-bénéfices liés à leurs mises en œuvre.
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Jairo Quirós, docteur en systèmes électriques de puissance à l’Université de Manchester en Angleterre, décrypte la modélisation de ces scénarios en Équateur.
Jairo Quirós est expert en planification énergétique, décarbonation, électromobilité ainsi qu'en développement de stratégies à long terme faibles en carbone. Il est en outre membre de la Fédération d’ingénieurs et architectes du Costa Rica, membre senior de l’Institut d’ingénieurs électriques et électroniques (IEEE) et consultant pour la Banque interaméricaine de développement, la Banque mondiale, les Nations unies, la GIZ, et la Plateforme 2050.
Qu’est-ce que la décarbonation et quel est le modèle développé par l’Équateur ?
Jairo Quirós : La décarbonation est la réduction des émissions de CO2 dans l'atmosphère. À l'échelle des pays, il s’agit d’une opportunité de restructurer l’économie et de créer des modèles plus résilients avec des cobénéfices importants sur le plan socio-économique. Le Planmicc se base sur des évaluations des secteurs énergétique, agricole, de l'Uscus, industriel et de gestion des déchets ; le modèle mis en place est conçu pour répondre à des scénarios de type « Que se passe-t-il si ? ». Il est ainsi à même d’étudier ce qui se passerait avec une électrification à 100 % de la flotte véhiculaire du pays d’ici à 2050. Le modèle utilise la plateforme OSeMOSYS (Open Source energy Modeling SYStem), développée par une communauté de chercheurs. Il s'agit d'un outil gratuit, ouvert, flexible et transparent, déjà utilisé dans plusieurs pays.
Pourquoi le modèle OSeMOSYS pour l’Équateur ?
J. Q. : Une des raisons principales est l’expérience de nos partenaires du Costa Rica dans l’utilisation de la plateforme OSeMOSYS. Des outils similaires ont été développés pour le Pérou et le Guatemala. Par ailleurs, en 2021, un modèle du secteur électrique a été construit pour l’Amérique latine et les Caraïbes en utilisant cette même plateforme.
À l’heure actuelle, des outils similaires sont en cours d’élaboration en Uruguay, en République dominicaine et au Panama ; en 2020, des versions simples ont été élaborées pour chaque pays de l’Amérique du Sud. OSeMOSYS est un outil très flexible qui permet d’intégrer différents secteurs.
Une autre caractéristique est son interopérabilité (partage de données, échanges d’informations et de connaissances…) avec d’autres outils pouvant augmenter sa capacité. C’est le cas au Costa Rica où il a été intégré avec un modèle d’équilibre général de calcul de la Banque centrale du Costa Rica. L’outil a l’avantage supplémentaire d’être mis à jour et maintenu dans le temps. Sa structure permet d’explorer les effets de l’incertitude et de planifier en prenant en compte la gestion des risques. Ces caractéristiques sont essentielles pour mettre en place une méthode de prise de décision robuste que nous employons pour le Plan de l’Équateur.
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Quels sont les défis de l’Équateur pour accomplir ce que le Plan établit à long terme ?
J. Q. : Le Plan permettra à l’Équateur d’établir des processus de transformation avec des objectifs clairs à court, moyen et long termes. Ces objectifs peuvent servir de guide pour un développement économique faible en émissions.
La mise en place du Plan présente plusieurs enjeux : des enjeux politiques, technologiques, sociaux et financiers. Du point de vue politique, le document doit être maintenu en dépit des changements de vision des différents gouvernements, et celui-ci doit être institutionnalisé. Les défis technologiques sont liés en grande mesure à la disponibilité de la technologie qui facilite les transformations. Les défis sociaux sont liés à l’acceptation du Plan alors que les défis financiers sont liés au coût élevé de la mise en place et à la recherche du financement nécessaire aux transformations.
Avec le Maate et son projet Planmicc, nous construisons une stratégie qui permet de planifier dans un cadre incertain tout en maximisant les bénéfices pour le pays. La méthodologie employée permet de capturer les incertitudes et d’anticiper les risques et les défis de la planification d’un développement faible en émissions de l’Équateur d’ici à 2050.
À la mi-2023, l’Équateur disposera des scénarios de décarbonation qui seront débattus à travers des ateliers et des tables rondes.