Dans une volonté clairement affichée de renforcer les liens entre les collectivités locales françaises et étrangères, l'Agence française de développement (AFD) s'engage depuis plusieurs années à travers la Facilité de financement des collectivités territoriales (Ficol). Ce programme de subventions vise à soutenir l’Action extérieure des collectivités territoriales françaises (AECT), offrant ainsi une plateforme d'échange et de coopération fructueuse entre la France et ses partenaires.
Lire aussi : La Ficol, un tremplin pour l’action extérieure des territoires français
Au fil du temps, la Ficol a démontré les avantages indéniables de cette réorientation partielle de l'Aide publique au développement (APD). En privilégiant les initiatives et compétences des collectivités territoriales françaises, qu'il s'agisse de l'échelon régional, départemental ou même communal, cette approche permet une meilleure prise en compte des réalités au niveau local et, du côté de la France, une mobilisation plus rapide et efficace des ressources et expertises disponibles. Cette démarche contribue ainsi à amplifier l'impact des projets financés par l'AFD et à garantir leur pérennité.
À Madagascar, cette coopération décentralisée revêt une importance particulière, compte tenu du processus de décentralisation en cours sur l'île depuis les années 1990. Cette dynamique a rendu essentielles les collaborations interrégionales facilitées par la Ficol. Depuis près de vingt ans, Madagascar a ainsi bénéficié de sept subventions Ficol, soulignant l'efficacité du mécanisme. Grâce à cette approche novatrice, les besoins spécifiques de chaque région malgache ont été identifiés avec précision, permettant la mise en place de réponses adaptées et la consolidation des partenariats entre régions.
Trois partenariats emblématiques entre collectivités françaises et malgaches illustrent parfaitement la réussite de cette coopération bilatérale :
1. Partenariat entre la région Nouvelle-Aquitaine et la région Itasy
Entre la région Itasy, située dans la province d'Antananarivo, au centre de l'île, et la région Nouvelle-Aquitaine, c’est une affaire qui roule depuis un certain temps. « Depuis 2007 pour être exact, précise Yves Guicquéro, directeur de l’agence de Madagascar. C’est vraiment l’une de nos plus belles réussites en termes de coopération à long terme entre une collectivité française et une collectivité malgache. L’un des axes d’appui principaux de la région Nouvelle-Aquitaine concerne l’agriculture. La région Itasy est connue pour son lac, de taille conséquente mais qui s'assèche rapidement. Il y avait donc une multiplicité de problématiques à affronter pour essayer de préserver les ressources en eau indispensables pour l’agriculture. Mais d’abord, nous avons surtout été confrontés à un gros enjeu de formation des agriculteurs locaux. »
D’où l’un des projets les plus emblématiques de cette coopération intercommunale : le projet Far-Itasy, initié en 2019 pour prolonger et amplifier les effets de l’appui à la formation des agriculteurs offert par la région Nouvelle-Aquitaine depuis 2007. Au programme : renforcement du socle institutionnel et partenarial de la Formation agricole et rurale (FAR), renforcement du Centre régional de formation professionnelle agricole (CRFPA), qui constitue le premier outil de professionnalisation de l’agriculture en Itasy, et soutien aux lycées techniques et professionnels de Miarinarivo et de Soavinandriana ainsi qu’à l’Institut d’enseignement supérieur Soavinandriana Itasy (IESSI), ouvert en 2015.
La Nouvelle-Aquitaine a également mis son expertise au service du renforcement des mécanismes de gouvernance de la région. D’où le lancement, également en 2019, du second projet emblématique de la coopération entre les deux régions : le Programme d’appui à la gouvernance locale en Itasy (Pagli), qui se positionne comme un levier crucial pour dynamiser la démocratie locale au sein des quatre intercommunalités de la région. « Son ambition est claire, détaille Yves Guicquéro, elle est de promouvoir une participation accrue de tous, en mettant particulièrement l'accent sur les plus vulnérables, dans les processus décisionnels au niveau local. »
Cette initiative vise également à garantir un accès amélioré aux services de base, avec un accent particulier mis sur l'eau, l'hygiène et l'assainissement. Le Pagli incarne ainsi un engagement fort en faveur de l'inclusion sociale et du développement durable dans la région.
Lire aussi : À Madagascar, renforcer l’accès à la justice et humaniser les conditions de détention
2. Partenariat entre la région Grand-Est et la communauté urbaine de Mahajanga
Située dans la région de Boeny, au nord-ouest de Madagascar, la ville portuaire de Mahajanga bénéficie également d’une coopération de longue date avec la France via les nombreuses initiatives co-construites avec la région Grand-Est dans le cadre du dispositif Ficol.
Comme bon nombre de villes africaines, Mahajanga, composée de 26 quartiers où vivent environ 300 000 personnes, ne dispose pas de cadastre ni de réelle politique de développement urbain. Alors que la croissance de l’habitat spontané semble inarrêtable, la question des déchets y est cruciale pour freiner la propagation d’éventuelles épidémies.
Mais, depuis 2010, la ville peut compter sur l’appui du département du Bas-Rhin pour l'assainissement liquide, et de la ville de Mulhouse pour la gestion des ordures ménagères. « Ce premier projet a permis la création d'une décharge et la mise en place d'un système de collecte pour récupérer les déchets auprès des habitants. Des opérations de tri, de compostage et de gestion des déchets ont aussi été mises en place et cela a plutôt bien fonctionné », détaille Yves Guicquéro.
Une fois ce projet achevé, un second a été mis en place en 2023, toujours en coopération avec la ville de Mulhouse, mais cette fois-ci centré sur la santé et les soins médicaux : « Des actions ont été déployées pour garantir des infrastructures sanitaires durables et accessibles à tous. En complément du premier projet, l’idée est aussi d’améliorer les soins médicaux et de prévenir les risques environnementaux et sanitaires. La sensibilisation du public et les échanges entre Madagascar et la France sont au cœur de cette démarche pour promouvoir des pratiques durables en matière de santé et d'environnement », résume Yves Guicquéro.
3. Partenariat entre la région Normandie et la région Atsinanana
La coopération entre la région Normandie et la région Atsinanana, située sur la côte est de Madagascar, se construit pas à pas depuis 2000. « Le partenariat a débuté avec des accords de coopération signés entre les ports de Rouen, du Havre et de Tamatave », précise Yves Guicquéro. Abritant 380 000 habitants, Tamatave est la deuxième plus grande ville de l'île, et son port principal, avec tous les enjeux que cela implique : besoins en formation aux métiers maritimes et portuaires, investissements portuaires liés à l'activité agricole… Autant de problématiques où l’expertise des ports normands s’avère extrêmement précieuse.
Lire aussi : Des communes du Liban et une région française unies contre la crise
Un nouvel accord, signé en janvier 2021 pour quatre ans, a renforcé cette coopération sur divers axes comme la gouvernance territoriale, la culture, la formation professionnelle, le développement agricole… Une cellule de coordination composée de techniciens franco-malgaches a d’ailleurs été mise en place pour assurer le suivi et l’animation de cette coopération à Tamatave, en lien avec l’équipe de la région d’Atsinanana.
Dans le domaine agricole, notamment, des initiatives ont permis la formation de producteurs, le renforcement de coopératives biologiques et équitables, le soutien à la pisciculture et la mise en place du projet AgriCoop. Mené conjointement par les régions Atsinanana et Normandie, Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), la Scop Éthiquable, le Réseau des coopératives du commerce équitable (RCCE), ainsi que cinq coopératives (Kovapamina, Mitsinjo, Union Magneva, Fanohana et Paaco), le projet est en cours de déploiement depuis 2019 et devrait aboutir à la création d’une unité de traitement et de stockage des épices : première unité agroalimentaire malgache gérée par des petits producteurs locaux !