Du sol à la cime des arbres, des côtes aux montagnes du Nord : les richesses agricoles du Cambodge sont partout. Pour contribuer à les protéger, le groupe AFD soutient un projet, mis en œuvre par un consortium d’ONG menées par le Gret, visant à développer les Indications géographiques permettant d’identifier et de protéger des produits se distinguant par leurs caractéristiques ou un savoir-faire associé. Ce projet cible quatre produits emblématiques : le sucre de palme de Kampong Speu, le miel sauvage du Mondolkiri, le sel et le poivre de Kampot.
Ces IG assurent la provenance, la qualité et la réputation de certains des plus importants patrimoines agricoles du monde. Mais ils font plus que ça en améliorant les conditions de vie des agriculteurs et de leurs familles. Les IG ciblent les travailleurs ruraux, qui représentent 95 % de la population la plus pauvre et dont les moyens de subsistance dépendent de la protection de leurs traditions et de leur environnement, mais aussi de leur capacité à faire face à la concurrence sur le marché agricole mondial.
Pour en savoir plus sur les Indications géographiques
Le doux goût de la durabilité : le sucre de Kampong Speu
Les sols sablonneux et le climat sec de Kampong Speu sont des conditions parfaites pour l'arbre thnot (ou palmier à sucre, Borassus flabellifer) que les petits agriculteurs cultivent pour la production de sucre de palme cambodgien depuis l'époque d'Angkor. Le projet d'IG veille à ce que le véritable sucre de palme de Kampong Speu (ou Skor Thnot Kampong Speu) soit non seulement connu et protégé sur le marché mondial, mais aussi qu'il respecte des pratiques de récolte durables.
Sem Ven est l'un des agriculteurs bénéficiaires du projet. « Grâce à la rotation entre la culture du riz pendant la saison des pluies et la fabrication du sucre pendant la saison sèche, et surtout grâce à des débouchés plus importants que jamais, nous avons désormais un revenu stable toute l'année. »
Le poivre de Kampot ou la recette d'un succès partagé
Chan Deng, agriculteur de la région de Kampot, examine entre ses doigts un bouquet de poivre noir. Un léger sourire se dessine au coin de ses lèvres : « Vous devriez le goûter avec notre poisson grillé traditionnel ce soir. » Cultivées à l'ancienne, sur des vignes qui prospèrent grâce au sol unique et au climat côtier de Kampot, quatre variétés du célèbre poivre sont récoltées par la communauté : le noir et le blanc – les variétés les plus classiques –, le vert fraîchement cueilli, et le rouge.
M. Deng fait partie d'une communauté soutenue par le projet IG. Au-delà d'une augmentation substantielle de ses revenus, il souligne un autre avantage inattendu du projet : la solidarité que l’approche IG a apportée à la communauté agricole. « Nous avons davantage confiance en nous. Nous pouvons partager nos connaissances et notre expérience les uns avec les autres. C'est la chose la plus importante dont nous avons besoin pour garantir que notre mode de vie ici est durable pour les prochaines générations. »
Voir aussi : Valoriser le poivre de Kampot et le sucre de Kampong Speu
Le miel du Mondolkiri, l'or liquide du Cambodge
Meas Por, 35 ans, grimpe sur le tronc noueux d'un arbre en direction d'un énorme nid d'abeilles. Il regarde l'étendue verte infinie de la forêt de Mondolkiri et voit enfin un avenir. Cette province, la plus grande mais aussi la moins peuplée du Cambodge, est la terre d’origine de l'ethnie Bunong, qui vit en harmonie avec la nature. Mais la déforestation et le changement climatique menacent leurs moyens de subsistance. Pour eux, le projet IG est une véritable opportunité : échapper à la pauvreté tout en continuant à préserver la forêt. Depuis l'enregistrement de l'IG il y a un an, le projet regroupe 400 à 500 collecteurs de miel au sein de l'association, vivant dans 11 aires protégées communautaires (APC), et collectant 35 à 40 tonnes métriques de miel par an.
« Nous pouvons subvenir aux besoins de nos familles, mettre de la nourriture sur notre table, envoyer nos enfants à l'école, tout en prenant soin de notre forêt, de notre terre », explique Meas Por.
Voir la vidéo : L'or liquide du Cambodge
Cultiver le potentiel des femmes : le sel marin de Kampot
Thyda Thaung n'est pas une productrice de sel comme les autres. Elle est un symbole de l'avenir de cette industrie si importante au Cambodge. Mme Thaung est la première femme de sa famille de producteurs de sel à diriger cette activité traditionnellement dominée par les hommes. « Je suis bien consciente des obstacles auxquels les femmes sont confrontées dans ce secteur. Je m'efforce donc de faire tomber ces préjugés et de créer davantage de possibilités pour les femmes de travailler à tous les niveaux de la chaîne de valeur, y compris la prise de décision et la gestion. »
Elle dirige une équipe de 27 producteurs et espère vraiment que le sel sera bientôt enregistré en tant qu'indication géographique. « Nous travaillons avec Guérande, par exemple, pour comprendre quels critères doivent être utilisés pour enregistrer notre produit. Nous travaillons également avec les communautés pour commencer à les sensibiliser aux processus, et surtout aux bénéfices qu'elles pourront en tirer ! »
Soutenir l'ensemble de la chaîne de valeur
L'approche de ce projet est globale : l'objectif est de renforcer l'ensemble de la chaîne de valeur. Tout d'abord, les producteurs, premiers de la chaîne de production, cultivent le produit et le vendent. Poivre, sel, sucre… la taille de leurs exploitations varie, mais elles sont toutes soumises à un cahier des charges garantissant la qualité de la production IG, mais aussi de meilleurs revenus pour eux.
En parallèle, des associations interprofessionnelles se mobilisent pour faire connaître ces IG. Elles assurent le développement de l'IG, son enregistrement, la vérification du respect des exigences, mais aussi la promotion du produit, notamment en développant des outils marketing. Dans certains cas, comme pour le sucre de Kampong Speu, des coopératives de producteurs ont été développées et achètent les produits, en assurent la traçabilité et le conditionnement, puis les vendent.
Dans d'autres cas, comme celui de Thaung Enterprise, des sociétés achètent les produits aux producteurs et les vendent au niveau local et international. Certaines entreprises gèrent directement le conditionnement, le marketing, l'exportation, etc. Enfin, les coopératives permettent également aux producteurs de mettre en commun leurs ressources, comme le stockage, l'emballage et le contrôle de la qualité. Le projet intervient à chaque étape de ce processus pour renforcer les capacités des acteurs et les accompagner en amont et en aval de l’enregistrement officiel de l’IG.
Ce projet du groupe AFD, qui soutient le développement des IG en Asie du Sud-Est depuis 2007, s'inscrit dans un projet régional plus large au Cambodge, au Laos et au Myanmar.