
Si des progrès importants en matière d’accès à l’éducation ont été observés depuis les années 2000 au Sahel, des défis importants restent à relever en termes d’accès, de qualité de l’enseignement ou encore de réduction des inégalités (entre filles et garçons, entre milieu urbain et rural…).
Dans ce contexte, de nombreux enfants en âge scolaire sont pris en charge par une offre éducative adossée à la religion musulmane, généralement arabophone. Très ancrée dans de nombreuses sociétés, cette offre dite « arabo-islamique » est multiforme : elle couvre un continuum qui va d’unités familiales très informelles et aux contenus exclusivement confessionnels, à des établissements formels plus ou moins intégrés à l’offre publique, en passant par des formes intermédiaires, et évolutives dans le temps.
A lire sur The Conversation : L’éducation arabo-islamique en Afrique subsaharienne : dépasser les idées reçues pour construire l’avenir
La finalité de cette étude est de contribuer à la production de connaissances actualisées et pertinentes sur l’éducation arabo-islamique au Sahel, phénomène complexe, très ancré et diffus dans les sociétés sahéliennes mais qui reste un angle mort de la recherche et des politiques publiques. Ce projet a aussi pour objectif d’informer les décideurs des pays sahéliens et les différents bailleurs sur ce phénomène, en vue de les doter de clés de lecture nécessaires à la conduite de politiques publiques.
En effet, la connaissance de l’éducation arabo-islamique sous ses différentes formes est une condition préalable à toute intervention, qu’il s’agisse d’encadrer les pratiques jugées les plus discutables, de favoriser la prise en compte de cette offre dans les politiques d’éducation et de formation professionnelle ou d’appuyer une offre éducative qui peut s’avérer particulièrement pertinente en situation de crise, notamment sécuritaire.
Première recherche d’envergure sur l’éducation arabo-islamique à l’échelle des six pays sahéliens, le projet EDUAI a été conduit par une équipe pluridisciplinaire et plurinationale, coordonnée par le Dr Hamidou Dia de l’IRD.
Ce projet a pris appui sur des inventaires extensifs (inventaire des recherches, de la littérature grise, des structures et institutions, des données quantitatives et de la presse), ainsi que sur des enquêtes de terrains et des entretiens auprès des différentes catégories d’acteurs de l’EDUAI. Plusieurs ateliers de recherche et moments d’échange avec les parties prenantes ont permis de mettre en débat les résultats et d’alimenter l’élaboration des rapports pays et de la synthèse, rédigés suivant un canevas commun afin de faire émerger les éventuelles analogies, voire d’identifier les phénomènes de portée transnationale ou régionale.
L’étude confirme le dynamisme de l’éducation arabo-islamique au Sahel, qui se manifeste notamment par un renouvellement des publics. On observe ainsi une féminisation des écoliers – au Tchad et au Niger, plus de 50% des élèves sont des filles –, et la présence accrue des classes moyennes. La réémergence des universités arabo-islamiques dans certains pays (notamment au Niger et au Mali) montre aussi ce dynamisme.
L’étude souligne la diversité des ressources finançant l’EDUAI, qui varient largement d’un pays mais aussi d’une école à l’autre. Selon le contexte, l’importance des ressources provenant de l’étranger donne un poids important aux acteurs et aux dynamiques étrangères dans l’évolution de l’EDUAI.
L’étude montre aussi que le positionnement de cette offre vis-à-vis de l’État varie en fonction des acteurs, courants, modes d’intervention et modes de financement. Selon les types d’offre, les milieux de résidence ou les profils des élèves, l’éducation arabo-islamique peut être complémentaire de l’éducation classique ou s’y substituer, ce qui est le cas notamment dans les régions où les services publics sont déstabilisés.
Vous trouverez ci-dessous les différents papiers de recherche liés à ce programme de recherche :
- Rapport de synthèse du projet Education arabo-islamique au Sahel
- Etat des lieux de l'EDUAI au Niger
- Etat des lieux de l'EDUAI au Sénégal
- Etat des lieux de l'EDUAI au Tchad
- Etat des lieux de l'EDUAI en Mauritanie
- Etat des lieux de l'EDUAI au Burkina Faso
- Etat des lieux de l’EDUAI au Mali
- « Les institutions d’éducation islamique au Sahel : entre développement communautaire privé et desseins hégémoniques des systèmes scolaires étatiques »
Un webinaire de la série Conversations de recherche a été organisé en septembre 2022 et peut être revisionné en replay (ci-dessous).
Cette étude confirme l’existence d’une offre éducative plurielle et évolutive, avec l’émergence, au cours des dernières décennies, de nouveaux formats, poussant parfois vers une modernisation de l’éducation, parfois vers un retour aux traditions, avec des tensions entre les acteurs de l’EDUAI et/ou des divisions intra-nationales importantes autour des questions religieuse et linguistique.
Le positionnement de cette offre vis-à-vis de l’Etat et des institutions varie en fonction des acteurs, courants, modes d’intervention et modes de financement. Dans certains pays, les tentatives de réformes par l’Etat ont fini par cristalliser les tensions et entériner la dualité du système. Néanmoins, l’essor et le dynamisme de cette offre éducative dans la région plaident pour que l’on explore plus en profondeur les possibilités d’établir des passerelles avec l’enseignement séculier.
Mettant en lumière la diversité de cette offre éducative et des acteurs qui la portent, le projet permet d’en améliorer la compréhension et de guider la prise de décision de l’AFD, de ses partenaires sahéliens ou des bailleurs, à un moment où l’EDUAI devient pour eux un champ d’intervention à part entière.
Contact :
- Dr Hamidou Dia, socio-anthropologue, chargé de recherche à l'IRD
- Linda Zanfini, chargée de recherche à l'AFD
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