Les précédentes COP, à Glasgow et Charm el-Cheikh, ont été l’objet de vifs débats. Que peut-on attendre de celle de Dubaï ?
Cette COP28 est une COP charnière. Le bilan des engagements pris à la COP21 de Paris en 2015 y sera présenté, et on sait qu’il démontrera l’insuffisance de l’action des pays. On est encore loin des réductions des émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C. L’enjeu sera d’ajouter à ce rapport des recommandations suffisamment fortes sur la réduction de ces émissions à court terme, d’ici 2030-2035, et à plus long terme bien sûr pour atteindre la neutralité carbone.
Il y a un équilibre à trouver entre les messages positifs de la transition écologique, comme l’efficacité énergétique ou l’appel au triplement des capacités installées d’énergies renouvelables, et la partie du rapport sur la fin des énergies fossiles. Celle-ci cristallise les tensions, avec à la fois la nécessité d’efforts venant de tous les pays, en premier lieu des plus riches, mais aussi des émergents, et les questionnements autour des technologies de capture et de stockage du carbone. Ces interrogations sur les technologies viennent brouiller les débats sur le rythme et l’ampleur de sortie des énergies fossiles, alors même que leur rentabilité n’est pas avérée et qu’elles ne peuvent être déployées à grande échelle.
La COP s’ouvre aussi avec un consensus trouvé sur le sujet d'un fonds Pertes et préjudices. C’est une forte avancée en faveur des pays en développement, notamment des petits États insulaires. Si la proposition est acceptée, les discussions porteront sur la capitalisation du fonds, son articulation avec les autres outils financiers, dont ceux des banques de développement, et sa capacité à mobiliser de nouvelles sources de financement international, en particulier de fiscalité verte. Il faudra néanmoins maintenir le travail sur les questions d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, car in fine les pertes et préjudices résultent de ses impacts, malgré ou au-delà de la mise en œuvre d’actions adaptées.
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Quel est l’intérêt de la présence d’une institution comme le groupe AFD à la COP28 ?
Nous y allons pour mettre en avant nos actions, nos partenariats pays et nos projets, mais aussi pour apprendre des pratiques de nos partenaires sur cet objectif qui est la redirection des flux financiers vers le financement du développement durable, matérialisé pour nous par l'alignement avec l’Accord de Paris sur le climat et le Cadre mondial pour la biodiversité.
Nous y allons aussi avec les équipes de Finance en commun (FiCS) et de l’International Development Finance Club (IDFC) pour mobiliser les banques publiques de développement et montrer qu’elles peuvent être à la hauteur de l’enjeu. Enfin, nous sommes en soutien de l’Équipe France sur des sujets variés comme la transition énergétique, la préservation des forêts, les négociations – sur le fonds Pertes et préjudices par exemple – ou le New Collective Quantified Goal, l’engagement qui prendra la suite, à compter de 2025, des 100 milliards d’euros promis par les pays du Nord envers ceux du Sud pour faire face au changement climatique.
Cela se fait à travers des ateliers de travail – car on travaille à la COP ! –, des panels où l’on intervient, des réunions en bilatéral ou avec d’autres banques… La COP est un accélérateur. Sans cette deadline, nous n’aurions pas réussi à avancer comme on l’a fait sur la mise en place par l’AFD d’outils de réponse aux besoins liés aux pertes et préjudices (à l’instar de la contribution française au Bouclier global contre les risques climatiques), sur le financement innovant des collectivités locales ou l’intégration des enjeux sociaux et de santé.
Quelles initiatives permettraient de mobiliser davantage le secteur financier pour le climat et la nature ?
L’Agence française de développement fait beaucoup pour mobiliser sur cet agenda climat et nature. D’abord en travaillant sur sa propre finance, par exemple à travers l’alignement de ses projets sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Elle mobilise aussi énormément sur ces sujets les autres banques publiques à travers l'IDFC et le sommet Finance en commun.
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Nous allons par exemple travailler avec la Banque asiatique de développement sur le lancement d'un « Nature Based Solution Hub » pour l'Asie et le Pacifique. L’objectif est de démarrer des programmes communs d'intégration de solutions fondées sur la nature dans nos projets : lutte contre l'érosion côtière au Cambodge, protection des barrières de corail dans le Pacifique, restauration de mangroves, pêche durable, dépollution… Tous ces éléments qui, en impactant la nature, impactent aussi notre capacité d'adaptation au changement climatique.
Le sommet Finance en commun va aussi lancer à son niveau des travaux pour avancer sur l'innovation financière avec plusieurs thématiques, dont les clauses de résilience du service de la dette au changement climatique (CRDC). En clair : comment fait-on en cas d'événement climatique extrême pour alléger le remboursement de la dette des États impactés ?
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Alors que les objectifs de l’Accord de Paris semblent toujours plus difficiles à atteindre, comment l’AFD se positionne-t-elle pour relever ces défis ?
La clé du positionnement de l'AFD, c'est l'accompagnement des pays du Sud et des partenaires. Nous n’arrivons pas en disant à nos partenaires « Voici la trajectoire à suivre ». Nous travaillons avec eux pour qu'ils puissent eux-mêmes définir leur trajectoire de neutralité carbone, leurs enjeux en termes de résilience au changement climatique et d’intégration des solutions fondées sur la nature. Ce positionnement aux côtés de nos partenaires est ce qui distingue l'AFD, et plus largement les banques publiques de développement, de la finance privée.
Notre enjeu est bien que l’Accord de Paris soit réussi par chacun des États. Mais qu'une banque ait une trajectoire de sortie des énergies fossiles (et l’AFD est à ce titre exemplaire), ce n'est pas suffisant : on n'y arrivera que si tous les pays atteignent la neutralité carbone. Il faut donc que tous fassent ce travail sur leurs trajectoires de développement. C’est là-dessus qu’on se mobilise, notamment avec la Facilité 2050. Et c’est inscrit dans notre gouvernance : l’avis de développement durable nous permet de vérifier que les projets que nous finançons sont alignés avec les objectifs climatiques nationaux.
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Un point d'amélioration : savoir comment avoir encore plus d'impact. On parle de finance transformationnelle. Il s’agit d’aller au-delà de l'euro financé ou investi, et de travailler sur les politiques publiques, les réformes sectorielles, avec des régulateurs des systèmes financiers, afin de permettre la mobilisation du secteur privé et l’intégration des citoyens à la prise de décision. Nous avons donc du travail devant nous !