Pakistan : le vent se lève sur l'éolien

À quoi peut bien penser ce jeune berger à la tête de son troupeau de chèvres, au pied d’une enfilade de gigantesques éoliennes dans le corridor de Jhimpir, au Pakistan ? À l'énergie propre qu'elles produisent pour les habitants de son État du Sindh, le deuxième plus peuplé du pays ? Où s'imagine-t-il, dans quelques années, travailler dans les entrailles de ces mystérieux géants ?
Le Pakistan fait aujourd'hui face à une pénurie annuelle moyenne d’énergie d’environ 5 200 MW. Énorme, quand on sait que cela représente la puissance d'environ cinq réacteurs nucléaires modernes. Pour enrayer cette crise tout en pariant sur l'énergie propre, le groupe pakistanais Gul Ahmed Energy a développé un vaste programme éolien, en partenariat avec Proparco et l'AFD.
Une première « ferme » de 20 éoliennes produisant un total de 50 MW a vu le jour en octobre 2016 dans le corridor de Jhimpir, au sud du pays. Au-delà de l'énergie qu'elle produit, une centrale éolienne réduit drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et l’empreinte carbone en évitant le recours aux énergies fossiles. C'est aussi un levier de développement économique conséquent grâce au gisement d'emploi généré par l'industrie de l'éolien. Sans oublier la réduction de la dépendance à la coûteuse importation d’énergie fossile qui plombe les comptes du pays.
Bon marché, écologique, positif pour le développement économique et l'emploi : autant de raisons qui ont poussé Proparco à investir 20 millions de dollars dans l'éolien au Pakistan. Un projet qui s'aligne parfaitement sur la stratégie de l'AFD pour lutter contre les changements climatiques.
Sans la contribution de l'AFD et de sa filiale Proparco, qui est l’un des principaux investisseurs, ce programme de centrales éoliennes n’aurait pas pu exister. Notre pays a besoin de projets comme celui-ci.
C'est une évidence : Ubaid Amanullah, le directeur exécutif de Gul Ahmed Energy, est convaincu du bien-fondé de l'énergie éolienne. Et s'il estime qu'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l'impact réel de ces nouvelles formes d’énergies pour la population, ce diplômé en économie de Northwestern University (USA) sait que le Pakistan fait un pari gagnant sur le long terme.
Avec une première centrale éolienne construite en 2013 et la plupart des autres unités développées en 2016, les débuts de l'éolien au Pakistan sont à la fois modestes et prometteurs. « Aujourd’hui, l’énergie éolienne n’est pas un substitut, c’est une source d’énergie secondaire, explique Ubaid Amanullah. La totalité des centrales éoliennes ne produisent encore qu'une petite partie de la quantité d’énergie dont aurait besoin le Pakistan. Mais ce projet est important car il marque le début d'une nouvelle ère dans la production énergétique du pays. »
Une révolution pour une nation « en train de réaliser combien il est important d’en venir aux énergies renouvelables ». Avec ce projet, estime le dirigeant de Gul Ahmed Energy, « nous faisons un premier pas dans la bonne direction et nous devons continuer ».
La crise énergétique que connaît le Pakistan pourrait n'être bientôt qu'un mauvais souvenir. Grâce à l'éolien, et aux treize parcs déjà opérationnels dans le pays, en plus des neuf autres en phase de construction.
Pour remplir son objectif de 10 % de l'électricité du pays produite à l'aide du vent, le Pakistan ne compte pas s'arrêter là : au cours des prochaines années, de nombreuses « fermes d'éoliennes » devraient ouvrir, en particulier sur les sites de Jhimpir et de Gharo, tous deux situés dans l’État du Sindh, au sud du pays. Des projets portés par l’initiative « Croissance verte et solidaire » de l'AFD et de Proparco. Lancée en 2015, cette dernière qui favorise les projets et activités responsables permettant de lutter efficacement contre le changement climatique.
Originaire de Karachi, à une centaine de kilomètres du site, Zehra Zaheer a toujours été passionnée par l’ingénierie en électronique. Après des études à l’université d’ingénierie et de technologie de la capitale pakistanaise, elle est embauchée il y a un an de cela par GAWPL.
« La plupart de mes camarades de classe féminines étudient mais, une fois l’université terminée, elles se marient, ont des enfants, et elles en restent là, explique la jeune femme de 23 ans. Elles sont hautement qualifiées mais ne participent pas à la vie active car la famille s’y oppose. Moi, j’ai étudié l’ingénierie pendant quatre ans ; j’ai besoin de mettre en pratique ce que j’ai appris, d’expérimenter, de tester mes compétences. »
Première femme ingénieure en électronique embauchée par le groupe, Zehra Zaheer sait que sa sélection - parmi les dix meilleures ingénieures de l'université - « n’était pas un choix anodin » : « C’est une façon pour la compagnie de lutter contre la disparité des sexes dans ce métier. »
Responsable de l’analyse des données qui viennent de la centrale, en charge de rédiger les rapports et de résoudre les problèmes techniques, Zehra Zaheer doit aussi prendre des décisions concernant les projets à venir. « J’espère que mon cas servira d’exemple, et que d’autres femmes vont se joindre à l’équipe », escompte la jeune ingénieure qui compte bien reprendre ses études un jour pour devenir « technical manager ». Rien n'arrête le vent du changement.
Apporter un soutien financier, c'est indispensable. Ce qu'il l'est tout autant, c'est de promouvoir le recrutement d'une main d'oeuvre locale, que ce soit pour les postes à haute valeur ajoutée, mais aussi pour les emplois moins qualifiés. C'est le sens de l'engagement de l'AFD et de Proparco dans le programme d'éoliennes soutenu par l'agence et sa filiale.
La phase de construction de la centrale a ainsi créé des emplois dans les secteurs du bâtiment et de la sécurité, pourvus par les habitants de Jhimpir. Tout comme les postes de gardiens et de manutentionnaires depuis que la « ferme » est opérationnelle.