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Programme DIRECCT
Lancé en mai 2021, le programme Direcct (Digital Response Connecting Citizens) initié par l’Union européenne et l'Organisation des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), vise à renforcer les services numériques en Afrique, dans les Caraïbes et le Pacifique (ACP). Mis en oeuvre en pleine crise du Covid-19, il se déploie depuis avec succès dans 45 pays avec le soutien de l’AFD et d’Enabel, l’agence de coopération belge.

Mai 2021. L’Union européenne injecte 15,4 millions d’euros pour donner naissance au programme Direcct – Digital Response Connecting Citizens. Le défi ? Combler un fossé numérique qui menace de laisser les régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) encore plus en marge. Dans un contexte de crise sanitaire mondiale, la mission devient urgente. Avec des infrastructures souvent obsolètes, certaines zones rurales  totalement déconnectées et des millions de foyers privés d’Internet, ces régions sont doublement fragilisées par la pandémie. Avec des partenaires de poids comme l’AFD et Enabel, l’agence de coopération belge, le programme s’attaque à un chantier colossal : développer davantage les services numériques dans ces territoires pour résister aux crises futures. Le programme Direcct trace alors une feuille de route claire, ciblant trois secteurs essentiels : la santé, les petites et moyennes entreprises (PME) et l’éducation.

Désenclaver les centres de soin, une nécessité absolue

Quand la pandémie a surgi, des milliers de centres de santé communautaires, isolés et mal équipés, ont fait face à la crise sans même pouvoir partager des données vitales avec les autorités sanitaires. C’est précisément sur ce point que le programme Direcct a souhaité se concentrer en priorité.


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En Afrique, par exemple, 11 FabLabs répartis dans des pays comme le Bénin, la Côte d'Ivoire ou le Sénégal ont été équipés pour produire localement des dispositifs de protection et de détection du Covid-19. Ce projet va bien au-delà de la simple livraison d'équipements : dans les territoires concernés, il s'agit de permettre une production autonome, au plus proche des besoins réels, pour éviter la dépendance future à des chaînes logistiques internationales souvent défaillantes. Les centres de santé les plus isolés, en particulier, bénéficieront de cette initiative.

Autre exemple, au Sénégal, avec le projet porté par Enabel : la connectivité des centres de santé en zones rurales a été renforcée, tout comme les capacités des personnels médicaux. Trois applications prototypes viendront s'intégrer dans le plan national de santé, posant ainsi les bases d'une médecine plus connectée et plus réactive.

Centre de santé de Niodior : mise en place de solutions numériques. Projet porté par l’agence belge de coopération, Enabel
Centre de santé de Niodior : mise en place de solutions numériques. Projet porté par l’agence belge de coopération, Enabel © S. Amekoudi / Enabel

 

En fin de compte, en Afrique de l’Ouest, aux Caraïbes et dans le Pacifique, ce sont près de 60 établissements ou organisations de santé qui ont été dotés en équipements numériques et près de 2 700 personnels de santé qui ont été formés dans le cadre de leurs pratiques professionnelles.

Petites et moyennes entreprises : faire avancer la numérisation 

La pandémie a également démontré que la capacité des petites et moyennes entreprises (PME) à s'adapter aux outils numériques pouvait être une question de survie. Faute d'une intégration suffisante du numérique, bon nombre de PME se sont retrouvées déconnectées de leurs clients et partenaires, et donc de la vie économique. Le programme Direcct a accompagné la transformation digitale des PME, particulièrement dans les régions où ces entreprises étaient déjà fragilisées.


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Au Sénégal, 200 PME vertes, actives dans des secteurs comme l’agriculture et le recyclage, ont bénéficié d’une formation pour se digitaliser. L’objectif : faire entrer l'économie circulaire et les pratiques vertes dans l'ère numérique. Il ne s’agit plus seulement d’accroître la productivité, mais d'engager ces PME dans une boucle de croissance vertueuse en phase avec les Objectifs de développement durable (ODD). Le programme s’est également étendu à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et aux Caraïbes, permettant ainsi de former plus de 4 600 personnels et responsables de PME.

Projet de développement du numérique pour les micros, petites et moyennes entreprises au Sénégal
Projet de développement du numérique pour les micro, petites et moyennes entreprises au Sénégal, mis en œuvre par l’agence belge de coopération, Enabel © S. Amekoudi / Enabel

 

Les femmes, particulièrement vulnérables dans les zones rurales, ont également été ciblées par tous les projets, notamment celui d'Oxfam au Sénégal, qui met en place des systèmes d’accès aux marchés et de paiements numériques pour les organisations gérées par des groupements féminins.

Éducation : apprendre à distance pour être plus résilient

L’enseignement, durement frappé par la fermeture des écoles pendant la pandémie, a vu des millions d'élèves perdre des mois précieux de scolarité. Pour les pays des régions ACP, où l'accès à l’éducation est déjà difficile, cette crise aurait pu avoir des répercussions à long terme sur toute une génération.

C’est pourquoi le programme Direcct a accompagné le renforcement des infrastructures de e-learning, devenues plus que jamais une nécessité pour éviter que de trop nombreux étudiants décrochent de leurs études. Au Burkina Faso et au Bénin, des formations innovantes ont été mises en place, en partenariat avec l’Université virtuelle du Burkina Faso et l’Agence des systèmes d'information et du numérique du Bénin. L’idée étant de tester un modèle d’apprentissage capable de s’étendre à d’autres pays d’Afrique subsaharienne.


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Au Burundi, un pays déjà bouleversé par des crises sociales et économiques, un projet, mené par Bibliothèques sans frontières, vise à offrir un accès numérique à l’éducation et à la culture aux personnes qui en sont les plus éloignées. Là encore, il ne s'agit pas seulement de fournir du contenu, mais aussi de renforcer les capacités locales pour que ces solutions puissent survivre aux crises futures.

Solutions internet offline de contenus éducatifs mis en œuvre par Bibliothèques Sans Frontières
Solutions internet offline de contenus éducatifs mises en œuvre par Bibliothèques Sans Frontières © Kibuuka Mukisa Oscar / AFD

 

Au total, en Afrique et dans le Pacifique, ce sont 41 établissements éducatifs ou organisations qui ont été dotés en équipement numérique et, à ce jour, près de 14 000 contenus digitaux pédagogiques sont disponibles.

La coopération Sud-Sud : un pilier du programme Direcct

Dès le départ, le programme a également misé sur un levier stratégique souvent sous-estimé : la coopération Sud-Sud. Ici, pas de solutions imposées d'en haut, mais une approche résolument horizontale, où l’échange de savoir-faire entre pays s’inscrit comme un pilier central. L’idée est simple : les solutions viables ne peuvent venir que des expériences partagées, où chaque acteur enrichit l'autre en s’appuyant sur ses propres succès et échecs. Un échange égalitaire, pour des réponses adaptées aux réalités locales.

Sous l’impulsion d’Expertise France, des ateliers ont été mis en place pour les chambres de commerce du Bénin, de Côte d'Ivoire, du Ghana et du Togo, et pour l'agence régionale de promotion du commerce et des investissements Caribbean Export. Ces ateliers ont permis à ces organisations de rencontrer des sociétés du Sud innovantes, proposant des solutions numériques concrètes pour améliorer la productivité, le marketing ou la relation avec leurs clients. Nées en Afrique et aux Caraïbes, ces solutions ont fortement enrichi les PME appuyées par le programme. 

Ces collaborations, dans leur essence même, ne sont pas de simples initiatives ponctuelles, mais bien le début d’un écosystème interconnecté, où le numérique devient une passerelle vers des économies plus résilientes et autonomes. C’est notamment le cas de l’Université nationale du Vanuatu, qui a produit une étude sur le e-learning. Fondée sur une enquête approfondie auprès d’étudiants et d’enseignants, elle a servi de référence pour des projets similaires en Afrique. Partagée avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et les universités virtuelles du Burkina Faso, du Bénin et du Niger, elle a permis d’ouvrir la voie à des échanges plus poussés avec l’Université du Niger, avide de s’inspirer de ces expériences. Bien plus qu'une transmission de savoirs, un véritable dialogue d’expériences est né, forgeant peu à peu un socle commun de compétences entre institutions.

Le programme Direcct a démontré que la coopération régionale n’est pas seulement une stratégie économique. Elle est un levier de résilience, un outil essentiel pour faire face aux crises futures. Comme le résume Christophe Bernes, directeur de l’Unité de gestion et de coordination du programme (UGP) : « Le numérique pour construire la résilience sanitaire et socio-économique a été notre boussole tout au long du programme Direcct. Ce défi et la complexité de ce programme ont d'abord pu être surmontés grâce à la mise en place des travaux de partage Sud-Sud entre les acteurs eux-mêmes. »