« Il ne faut pas que ce soit un sommet comme un autre. » À l’aube du Nouveau Sommet Afrique-France, alors que la nuit s’efface devant la Sud de France Arena, le Malien Demba Diabira ne cache pas sa méfiance. Car des sommets « traditionnels » entre chefs d’État français et africains sans avancées notoires, il y en a eu. Mais rien de tout cela, à Montpellier. Aucun président invité, cette fois ; c’est la société civile africaine qui occupe les estrades, mène les débats, témoigne et revendique, parfois avec véhémence, dans des domaines aussi variés et nouveaux que le sport, les industries culturelles et créatives, l’entreprise et l’innovation, la gouvernance, la formation et la recherche. Autant de thématiques chapeautées par le dénominateur commun de l’Afrique présente et à venir : la jeunesse.
Sur le plan des avancées réelles, là aussi, le rendez-vous montpelliérain innove avec de nombreuses annonces concrètes formulées tout au long de la journée. Dans nombre d’entre elles, l’Agence française de développement sera pleinement impliquée auprès de ses partenaires africains.
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Pourquoi le sport est essentiel ?
Sur un continent où 60 % des habitants ont moins de 24 ans, le sport devient un vecteur majeur d’essor et d’émancipation. Depuis le rond central du terrain de basket éphémère installé pour l’occasion, le président Emmanuel Macron rappelle pourquoi la France s’engage dans le sport en Afrique : « Cela correspond pleinement à la nouvelle page que l’on veut écrire avec le continent : l’investissement solidaire dans le sport permet l’accès à l’éducation, à l’émancipation des jeunes filles, favorise le développement économique. Le sport, c’est un vecteur formidable d’émancipation grâce auquel les Africains changent leur vie. »
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Sollicité par une foule ravie dès son arrivée, l’ancien champion de basket NBA Tony Parker, aujourd’hui investi dans l’éducation par le sport à travers son Adéquat Academy alliant basket, étude et emploi, notamment en Afrique, voit ce sommet comme « une très bonne initiative ». Pour le président du club lyonnais de l’Asvel masculin et féminin, « il y a tellement à faire avec l’Afrique : il faut vraiment travailler main dans la main, dans tous les domaines. » C’est la direction choisie par son Adéquat Academy, qui va entre autres projets travailler avec l’AFD en Angola sur « l’inclusion des filles ».
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L'incontournable soutien à la culture
Les industries culturelles et créatives (ICC) font aussi partie de ces secteurs récemment associés au périmètre de l'investissement solidaire, comme l'illustre l'ambitieux programme autour de la cité palatiale d'Abomey, au Bénin.
L’entrepreneur social George Gashara a lui été l’un des premiers à avoir investi dans les ICC, via son fonds Heva Fund destiné à appuyer le secteur de l’artisanat et de la mode au Kenya : « Nos besoins sont simples : des collaborations de long terme et des investissements de long terme, dans une vraie logique partenariale. »
Pour cet autre jeune entrepreneur du secteur en Ouganda, soutenu par le programme d’incubation Afrique Créative, la clé, c’est aussi « de développer des partenariats plus pertinents et surtout de long terme, sur de nombreuses années ». « Il faut investir dans l’humain et sortir des accompagnements non pérennes qui ne permettent pas de créer une véritable industrie de la culture, acquiesce cet autre porteur de projet impliqué dans le programme d’accompagnement Accès Culture. Or, investir dans la culture, c’est agir pour l’inclusion sociale. »
Le long terme, c’est le temps dont ne dispose pas Nicole Degbo, fondatrice de La Cabrik, une structure attachée à intégrer harmonieusement les modes de gouvernance et l’humain. Cette femme française d’origine béninoise survitaminée, vêtue d’une veste en cuir noir, ne ménage personne : « Je trouve que l’Afrique prend son temps, il y en a un peu marre. Le futur de l’Afrique doit aller plus vite, et il passe par l’économie et les femmes, pas par le champ politique ! »
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Des partenariats plus forts pour le secteur privé
Dans sa chemise blanche à rayures bariolées, Ganda Jean Dominique Ouedraogo, chargé des programmes de l’entreprise spécialisée dans les tiers-lieux Mahna au Burkina Faso, porte un autre regard sur cette journée : « Déjà, on peut être là ! Les petites gens comme nous ne sont habituellement pas conviées à ce genre d’événement. Cela veut dire quelque chose. » Mais, pour le jeune entrepreneur rencontré avant le début des débats, « ce sommet ne doit pas seulement être un outil de communication, on doit maintenant pouvoir participer, en tant que société civile, à l’essor de nos pays. »
Émilie Kyedrebeogo, présidente de l’entreprise de produits durables en coton du Burkina Palobdé Afrique, complète ces propos par une revendication simple, mais essentielle à ses yeux : « Ce que nous voulons, c’est une franche collaboration partenariale entre entreprises françaises et africaines. »
« L’Afrique ne peut pas continuer son avancée sans passer par l’entreprise, ajoute pour sa part Ambroise Kientega, expert en développement des entreprises au Burkina Faso. Ce dont nous avons besoin ? Lever un grand nombre de barrières qui nuisent à l’entrepreneuriat, et surtout d’accompagnement, de pouvoir prendre exemple sur des modèles qui ont marché et que l’on peut dupliquer, passer à une autre échelle. Nous devons nous donner les moyens de révéler les talents ! »
À savoir : le Sommet de Montpellier a été l’occasion d’annoncer le lancement d’une nouvelle communauté d’entrepreneurs destinée à mettre en réseau les PME et TPE africaines. Cette initiative permettra de créer des échanges entre acteurs privés africains, de les mettre en relation avec les investisseurs internationaux et de renforcer les liens entre les acteurs africains et l’écosystème français.
Faire émerger les talents, c’est en partie le rayon d’Astria Fataki (photo ci-dessous, au centre), présidente d'Energy Generation, une structure panafricaine destinée à former des jeunes dans l’industrie des énergies renouvelables. Ici, des entrepreneurs de 17 nationalités africaines différentes ont déjà été formés. « Un Zambien est venu se former dix-huit mois dans notre centre de Lomé, au Togo, illustre Astria Fataki. Il a inventé une pompe à énergie éolienne – une source d’énergie particulièrement adaptée en Zambie – qu’il commercialise désormais auprès des agriculteurs de son pays, répondant ainsi à un triple objectif de développement économique, agricole et climatique. »
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Au cœur du processus : la jeunesse et les femmes
S’il est central dans l’évolution de l’Afrique, le secteur privé ne peut pas tout. Lætitia Helouet, présidente du Club du 21e siècle, identifie un autre axe de changement : « Il faut aussi se poser la question de ce que nous, en tant que société civile, pouvons apporter dans la construction de l’Afrique à une tout autre échelle. Notre continent est tellement riche d’une jeunesse impatiente, talentueuse, audacieuse, terriblement optimiste et positive ! Le renouvellement passe par elle. »
Par la jeunesse, et par des profils de haut vol comme celui d’Élise Kaba Nongnyaghma, une discrète informaticienne réseaux de Niamey, au Niger. Pour celle qui dissimule sa réserve derrière de longues nattes noires et un filet de voix, « on doit faire en sorte que des profils similaires au mien deviennent la norme. Il faut éduquer les jeunes filles de nos pays. » Pour qu’elles puissent être plus nombreuses, comme Élise, à intégrer un jour le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel.
Le défi de la gouvernance
La gouvernance reste également un sujet sensible pour les 3 000 participants du sommet. Selon Maurice Thantan, membre de l’Association des blogueurs du Bénin, « il y a une vraie appétence des gens à participer à la gouvernance des pays, surtout au niveau local, dans les communes, sur des questions comme les marchés publics ou la salubrité. » Au Bénin, un projet expérimental dans quatre collectivités a ainsi été lancé, via une application baptisée Participer. « Cela a permis aux citoyens de soumettre leurs idées aux élus locaux, sur des sujets aussi divers et importants dans la vie quotidienne que l’adduction d’eau, une aire de jeux pour enfants, un mur d’école à réparer. »
Interpellé sans tabou ni vergogne lors de la longue séance plénière de clôture par 11 jeunes « pépites » du continent réunies autour de l’intellectuel camerounais Achille Mbembe, Emmanuel Macron n’élude aucune question, aucune remise en cause, dans un dialogue d’une franchise inédite. Et le président français de conclure : « Il faut rendre inarrêtable ce qui a été enclenché ici. On le doit à l’Afrique et à sa jeunesse ! » Perché dans les gradins de l’Arena, la tête encore tourneboulée par la performance du Tchadien AfrotroniX qui aura déchaîné une assistance distinguée en plein après-midi, Demba Diabira doit sourire d’aise : décidément, Montpellier n’aura pas été un sommet comme un autre.