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Changement climatique et biodiversité
La visite du président français au Vanuatu et en Papouasie-Nouvelle-Guinée en juillet 2023 marque un événement exceptionnel, inédit depuis Charles de Gaulle. Elle illustre le réengagement de « l’Équipe France » décidé en 2018 à travers la stratégie Indopacifique, dans une région perçue comme un laboratoire des solutions face à la crise écologique. Un objectif notamment porté par le groupe AFD via son engagement « 100 % Accord de Paris ».

Article publié pour la première fois le 24 juillet 2023 et mis à jour le 8 septembre 2023


« Puisqu’ils sont très exposés aux conséquences du changement climatique et des catastrophes naturelles et au défi de la préservation de la biodiversité, les États insulaires du Pacifique sont aujourd’hui un exceptionnel atelier des solutions face aux dégradations de l’environnement », rappelle Virginie Bleitrach, directrice régionale océan Pacifique à l’AFD. Les États insulaires du Pacifique couvrent un tiers du globe en termes de surface, mais ne représentent que 0,03 % des émissions de gaz à effet de serre du monde. Et pourtant, on estime le coût annuel des effets du changement climatique dans ces États à environ 10 % de leur PIB, ce qui représente 1 milliard de dollars par an. À titre d’exemple, le cyclone tropical Pam (2015) a détruit l’équivalent de 64 % du PIB du Vanuatu pour un coût total de reconstruction avoisinant 140 % du PIB du pays. De par leur spécificité, ces « grands États océaniques » sont aussi les gardiens du plus grand continent océanique du monde (il couvre un tiers de la planète) et d’une grande partie de la biodiversité mondiale. 


Les forêts revêtent également un enjeu majeur en matière de protection de la biodiversité et de lutte contre les changements climatiques. À ce titre, les forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée représentent l'une des réserves mondiales de carbone et de biodiversité les plus vitales au monde. Couvrant 78 % du territoire, elles constituent une source vitale de sécurité alimentaire pour de nombreux Papouans-Néo-Guinéens, dont 85 % vivent dans des zones rurales, incarnant une partie essentielle du tissu culturel, linguistique et spirituel du pays. 

« Ces "grands États océaniques", gardiens des ressources naturelles pour leurs populations ainsi que pour l’humanité : ils concentrent près de 10 % de la biodiversité mondiale, 60 % des ressources de thons mondiales, 30 % des récifs coralliens mondiaux répartis sur un tiers de la surface du globe. Ils ont un impact direct sur notre capacité collective à atténuer et à s’adapter dans les prochaines décennies », explique Virginie Bleitrach. C’est pourquoi les 25 000 îles que compte le Pacifique insulaire, étendu de Palau à la Polynésie française, ont dû s’unir pour affronter le dérèglement climatique et les dégradations écologiques qui menacent leur existence à court terme. Au sein du Forum des îles du Pacifique (FIP), 18 États sont aujourd’hui guidés par le concept Blue Pacific. Il se traduit dans la stratégie 2050 pour le Pacifique bleu, qui plaide pour la défense de ces enjeux vitaux, une ambition qu’entend bien servir la France. 


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Par-delà les polarisations

Courtisé notamment par la Chine et les États-Unis, cet espace maritime et économique d’une ampleur et d’une richesse exceptionnelles affirme son rejet de la polarisation et entend remettre l’océan au cœur de la vision commune, de leur identité politique et culturelle, par le développement d’une stratégie de coopération régionale. « Implantés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis et Futuna et désireux de renforcer leurs positions sur la défense du climat et de la biodiversité, la France et le groupe AFD ne peuvent qu’être sensibles à cet élan », indique Virginie Bleitrach. Attendu en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le président Macron doit par exemple sceller un accord de protection ambitieux des forêts analogue à ceux existant au Gabon et au Congo, et auxquels est associé le groupe AFD, un accord qui fait écho aux travaux déjà en cours en matière de protection de la biodiversité (dont l’Initiative Kiwa).


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L’AFD, quant à elle, doit engager un projet de coopération technique sur la transition énergétique, le Fexte, Fonds d'expertise technique et d'échanges d'expériences, pour un montant de 800 000 euros. Il permet de lier l’AFD aux opérateurs Enercal (Nouvelle-Calédonie) et PNG Power (Papouasie-Nouvelle-Guinée). Ces derniers ont en effet exprimé une demande d’accompagnement permettant de projeter l’expertise calédonienne en la matière, et de renforcer la coopération entre acteurs régionaux, au cœur de la stratégie Indopacifique française. Le Fexte proposé vise à financer une coopération technique dans le secteur de l’électricité. Il s’agit de faire émerger des solutions novatrices face aux problèmes posés par l’intégration massive d’énergies renouvelables intermittentes et leur mix dans des réseaux insulaires de capacités limitées (de l’ordre du gigawatt). 


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La France, État du Pacifique

« Ces engagements font de la France un État du Pacifique, et pas seulement un État dans le Pacifique », souligne encore Virginie Bleitrach. En effet, la France est le seul membre de l’Union européenne présent au travers de trois ambassades auprès des États insulaires de la région. Et l’AFD y a monté la seule agence bilatérale européenne historiquement implantée dans la région. Le groupe AFD, présent dans les territoires français du Pacifique depuis soixante-quinze ans avec un portefeuille d’environ 3 milliards d’euros, entend d’ailleurs approfondir son action auprès des États insulaires. Ouvert en 2019, le mandat est récent, en dehors du Vanuatu. Étendu en 2021, il couvre désormais largement les enjeux d’adaptation, de conservation de la biodiversité et d’atténuation des bouleversements écologiques. « Il vise à favoriser la coopération régionale par l’insertion des territoires dans leur environnement, à travers des projets régionaux ou bilatéraux dans 15 états étrangers et trois territoires français : Papouasie-Nouvelle-Guinée, Îles Salomon, Vanuatu, Fidji, Nouvelle-Calédonie, Palau, États fédérés de Micronésie, Îles Marshall, Nauru, Kiribati, Tuvalu, Wallis-et-Futuna, Tonga, Samoa, Niue, Îles Cook, Polynésie française et Timor Leste. C’est à souligner car l’AFD est la seule agence bilatérale couvrant ce périmètre élargi », détaille la directrice de l'agence AFD de Nouvelle-Calédonie.


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La poursuite de ces actions se traduit également par des pistes d’intervention concrètes en 2023/2024. Expertise France mettra en œuvre aux côtés d’autres partenaires un projet « Forêt, changement climatique, biodiversité » (FCCB) financé par l’Union européenne à hauteur de 33,5 millions d’euros pour la part Expertise France. La France soutiendra également les efforts de la Papouasie-Nouvelle-Guinée en contribuant à la mise en place d'un « country package » pays « Forêts, nature et climat ». Dans un premier temps, Expertise France déploiera, sur financement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, un expert technique international (ETI) et une assistance technique auprès de la task force inter-agences du gouvernement de PNG en charge de la conception et de la coordination de ce « country package ».

La poursuite de ces actions se traduit également par des pistes d’intervention concrètes en 2023/2024. Le groupe AFD poursuit la prospection pour intervenir en prêts en faveur des priorités qui résonnent fortement dans la région : infrastructures résilientes aux effets du changement climatique et des catastrophes naturelles (infrastructures portuaires vertes, lutte contre les inondations…) ; finance verte via des garanties et lignes de crédit ou encore transition énergétique. Le groupe AFD a également identifié des opportunités de coopération en subvention à hauteur de 20-30 millions d'euros par an, notamment autour des enjeux de climat, biodiversité et océans. On peut citer l’extension de l’Initiative Kiwa (solutions fondées sur la nature en faveur de la biodiversité et de l'adaptation au changement climatique dans le Pacifique), le programme de modélisations climatiques à haute résolution Clipssa pour l’ensemble du Pacifique, le développement d’une initiative Océan dans la perspective de l’Unoc 2025 à Nice, la réponse aux risques de catastrophes en lien avec la Croix-Rouge française, la gestion des déchets ou des réseaux de santé publique en lien avec le changement climatique (dans une approche élargie à l’Indopacifique), et enfin le renforcement des capacités du Forum des îles du Pacifique (FIP) en préparation de la COP31, qui pourrait se tenir en Australie, et de la pré-COP en Océanie…