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Cantines scolaires
Le 18 octobre 2023 s’ouvre à Paris la première réunion mondiale de la Coalition pour l’alimentation scolaire. Lancée en 2021 par le Programme alimentaire mondial des Nations unies, avec le soutien de la France et de la Finlande, ce partenariat vise à ce que chaque enfant dans le monde ait accès aux repas scolaires nécessaires d’ici 2030. Veronika Chabrol, responsable adjointe de la division Éducation de l’AFD, et Sandra Rulliere, responsable adjointe de la division Agriculture, développement rural et biodiversité, reviennent sur les nombreux enjeux de développement des cantines scolaires.

Quels sont les enjeux de l’alimentation scolaire gratuite

Veronika Chabrol : Aujourd’hui dans le monde, 153 millions d’enfants et de jeunes sont en situation d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas un accès régulier à des aliments sains et nutritifs en quantité suffisante. Cette situation menace évidemment la santé des enfants, tout comme leurs capacités d’apprentissage. L’alimentation scolaire permet donc de contribuer à la santé des enfants en proposant des aliments diversifiés et sains, et à leur éducation en répondant aux besoins nutritionnels nécessaires à leur bon développement. Dans les situations de crise ou de grande vulnérabilité, l’existence d’un repas scolaire gratuit est une incitation forte pour les parents les plus démunis à envoyer leurs enfants, et surtout leurs filles, à l’école.

Sandra Rulliere : L’alimentation scolaire constitue également une opportunité de débouchés et donc de revenus pour les exploitations agricoles familiales des territoires ruraux. Elle peut ainsi contribuer à diversifier les productions agricoles au sein des territoires et à favoriser la transformation locale, créant ainsi de la valeur ajoutée dans ces territoires, et donc de l’emploi.

Par ailleurs, alors que les systèmes alimentaires représentent plus d’un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’alimentation scolaire peut jouer un rôle dans la re-territorialisation de l’alimentation et la lutte contre les pertes agricoles et le gaspillage alimentaire, réduisant ainsi les émissions. L’alimentation scolaire contribue à créer des territoires ruraux plus résilients et solidaires.


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Quelle est la situation de l’alimentation scolaire dans le monde aujourd’hui ?  

V. C. : Le rapport « Situation de l'alimentation scolaire dans le monde en 2022 » du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies permet d’affirmer que l’alimentation scolaire gratuite est le plus grand plan de protection sociale au monde, puisque 418 millions d’enfants en bénéficient en 2022 ; ce chiffre représente 41 % de la population d’âge scolaire au primaire. Et 87 % des pays disposent aujourd’hui d’une politique publique d’alimentation scolaire. Ces chiffres cachent néanmoins des disparités importantes : 61 % des écoliers des pays à revenus élevés bénéficient de repas scolaires gratuits ou subventionnés, mais ils sont seulement 18 % dans les pays à faibles revenus.

Quels sont les freins à la mise en place de cantines scolaires

V. C. : Les freins peuvent être multiples. Il y a des freins budgétaires en premier lieu, notamment dans de nombreux pays à faibles revenus, où il est difficile de supporter ce poste important de dépenses lorsque le budget de l’éducation lui-même n’est pas suffisant pour construire des écoles ou rémunérer les enseignants. Ces programmes alimentaires restent alors fortement dépendants des financements extérieurs, limités dans le temps et déployés en quantité insuffisante. Ils font également face à des questions d’organisation et de logistique très importantes : la mise en place de contrôles de qualité sanitaire réguliers, l’existence de chaînes d'achat, de stockage et de livraison efficaces, les compétences en matière de gestion financière et d'audit, etc. Enfin, ce sujet dépasse le champ d'action d’un ministère de l’Éducation ; il demande une approche interministérielle et multi-acteurs, associant des acteurs issus de secteurs tels que l’éducation, la santé, l’agriculture, les administrations locales, des associations de parents d’élèves. Il faut alors une volonté politique forte, si possible de la part des autorités au plus haut niveau.


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Quelle approche privilégie le groupe AFD dans les financements de l’alimentation scolaire ?

V. C. : Notre ambition est d’aider les pays à pouvoir construire leurs capacités de financement et leurs capacités opérationnelles propres pour pouvoir prendre en charge l’alimentation scolaire de manière pérenne et autonome. Investir dans une alimentation scolaire équilibrée et régulière, c’est réduire quelques dépenses publiques pour l’avenir en matière de santé notamment, mais aussi construire l’économie de demain.

Nous privilégions une approche globale de développement en lien avec la mise en place de politiques publiques qui promeuvent le lien très fort qui existe entre la mise en place de programmes d’alimentation scolaire et le développement de filières agricoles créatrices de revenus et d’emplois dans les territoires pour l’approvisionnement de ces dernières. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Partenariat mondial pour l’éducation (Global Partnership for Education/GPE), le seul fonds dédié exclusivement au financement de l’éducation de base, primaire et secondaire.

L'un des meilleurs exemples de cette approche se trouve au Sénégal, où le gouvernement sénégalais a lancé un programme national de cantines scolaires qui cible les zones rurales et les centres périurbains défavorisés. En sa qualité de partenaire du GPE dans ce pays, l'AFD soutient la mise en œuvre du protocole d'accord conclu entre le ministère de l'Éducation et le Programme alimentaire mondial (PAM) pour la création de cantines dans 637 écoles situées dans des régions à forte insécurité alimentaire. Entre 2020 et 2022, ce projet a permis à plus de 100 000 élèves vulnérables de retourner à l'école après la crise du Covid-19, qui avait conduit à la fermeture des écoles. Dans ce projet, les circuits courts sont privilégiés et les cantines sont prioritairement approvisionnées par des acteurs locaux.


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Au Burundi, l’AFD finance actuellement un programme d’alimentation scolaire, toujours en partenariat avec le GPE et le PAM, permettant à 100 000 enfants de la province de Muyinga de bénéficier de repas réguliers. Au Liban, les financements de l’AFD ont permis, en partenariat avec l’OSC International Orthodox Christian Charities, d’apporter des repas réguliers à 6 500 élèves d’écoles publiques, tout en soutenant 12 entreprises locales via l’achat de produits locaux certifiés ISO 22000.