
Contexte
La recherche menée s’appuie sur deux enquêtes conduites par des universitaires de disciplines complémentaires (géographes, démographes, sociologues, juristes, économistes) dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest : le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad et le Sénégal. L’objectif était de rendre compte de la visibilité toujours plus grande des femmes dans la circulation migratoire et son orientation vers la sous-région ouest-africaine, à rebours de lieux communs courants soutenant que les flux migratoires africains sont principalement intercontinentaux et à dominante masculine.
Objectif
L’étude a visé à mieux comprendre les déterminants de ces mobilités transfrontalières féminines : quel est le poids des traditions et des ancrages historiques, en particulier la colonisation ? Ces mobilités sont-elles un phénomène nouveau ? Que dit-il des transformations contemporaines des sociétés? Quels sont les risques qu’elles représentent et les solutions pour les prévenir ? Quelles mesures de protection pour les femmes ? Quels outils et structures appropriés d’accompagnement ?
De plus, l’étude a permis de dessiner des perspectives sociales, économiques et juridiques qui alimenteront les réflexions de politiques publiques (marché du travail, politiques migratoires) en lien avec l’agenda des États et de l’Union africaine affirmant la promotion et le respect des droits humains ainsi que l’émancipation économique des femmes.
Méthode
L’étude a permis de :
- Dresser un état des lieux des connaissances dans 9 pays (revue de littérature et documentaire/baseline documentaire) afin de connaître à ce jour la situation des migrations féminines (immigration et émigration) dans la sous-région (données statistiques ; cartographie des flux et stocks ; dimension historique du phénomène ; listes des travaux/références pertinentes ; questions non documentées par la recherche) ;
- Produire des données originales en combinant les enquêtes quantitatives et les entretiens qualitatifs :
• Le questionnaire quantitatif a permis de recueillir les réponses de 2700 individus. Dans chaque pays, les personnes interrogées ont été choisies en fonction de l’importance numérique des migrants et migrantes internationaux du dernier recensement. Les résultats obtenus ont été consignés dans une base de données sous format SPSS, notamment pour l’analyse de la situation d’ensemble. Les zones d’enquête sont essentiellement des grandes villes qui concentrent l’essentiel des activités économiques, même si les espaces ruraux peuvent être intéressants à investir en raison des activités agricoles ou minières qui attirent les migrants et les migrantes.
• Le questionnaire qualitatif recouvre des entretiens en profondeur avec des migrantes : 10 par pays d’enquête. Le corpus recueilli (90 entretiens) a permis de renseigner des questions centrales de la mobilité féminine, et notamment la prise de décision d’émigrer, la vulnérabilité des migrantes et les potentialités qu’offre la migration internationale en matière d’autonomisation éducative, économique et sociale.
Résultats
A partir des neuf rapports pays, un document de synthèse Afrique de l’Ouest a été produit. Il n’est pas une juxtaposition des 9 rapports qui, selon les profils des experts et des expertes, mettent l’accent sur une dimension particulière de la thématique des mobilités (historique, anthropologique, économique, sociologique et juridique) : il s’agit d’un format original analysant les idées contenues dans la base de données globale en faisant fi des frontières, c’est-à-dire en se plaçant dans une posture d’analyse globale des mobilités féminines transfrontalières. Des thèmes phares ont été développés par les chercheurs du projet ou d'autres spécialistes et des perspectives/recommandations en matière de politiques publiques sont présentées.
- Consulter le papier de recherche « Regard actuel sur les mobilités féminines transfrontalières ouest-africaines : quand les désirs d'émancipation transcendent les séculaires pesanteurs sociales » (Editions AFD, juillet 2022)
- Revoir le replay du webinaire « Conversation de recherche » (juin 2022) :
Enseignements
La base de données constituée révèle l’importance statistique du fait migratoire transfrontalier féminin et sa vocation catalytique d’émancipation pour les femmes migrantes. Cela amène à conclure à la nécessité de promouvoir les conditions de la libre circulation en tant que puissant levier d’une politique migratoire favorable à leur autonomisation.
Tout en appelant à une prise en compte davantage proactive de la dimension genrée des mobilités sous-régionales dans les différentes politiques publiques nationales, le papier de recherche met l’accent sur un préalable : la nécessaire production collaborative des données scientifiques entre divers partenaires de recherche afin de pouvoir mobiliser les savoirs nécessaires à la prise de décision pour des politiques publiques efficaces. Dans le même temps, il recommande la consolidation et l’intensification de la coopération sous-régionale sur les questions migratoires, et plus particulièrement en ce qui concerne la migration féminine encore sous influence de pesanteurs multiformes.
A lire sur The Conversation : Femmes migrantes en Afrique de l’Ouest : l’émancipation en marche ?
Contacts :
- Professeur Papa Demba Fall, docteur d’Etat ès Lettres (géographie), directeur de recherche à l’IFAN, ancien directeur du département des Sciences humaines de l’UCAD (2004-2009) et directeur exécutif du Réseau d’étude des migrations internationales africaines
- Serge Rabier, chargé de recherche à l'AFD

Contexte
Dans un contexte de crises politiques, économiques et écologiques, les sociétés contemporaines doivent s’adapter à de multiples enjeux globaux. Répondant à ces enjeux, posés à la fois par l’analyse des contextes locaux et par divers cadres internationaux, l’approche par les « communs tissés autour de la terre et des ressources qu’elle porte » place l’action collective au cœur du diagnostic et de la recherche de solutions. Elle entend ainsi faciliter l’émergence d’arrangements institutionnels, impliquant des groupes humains en interaction dans la prise en charge de problèmes explicitement posés à l’échelle locale, ainsi que dans la formulation de projets politiques visant à les résoudre.
Depuis 2015, le comité technique « Foncier et développement » (CTFD) de la coopération française, coprésidé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l’AFD, s’interroge sur l’apport et l’opérationnalisation d’une telle approche dans le traitement des questions foncières et de gestion des ressources naturelles.
Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du programme de recherche de l'AFD sur les communs.
Objectif
Dans sa première phase, l’objectif du projet était de mettre en place une dynamique collective de réflexion au sein du CTFD devant permettre d’identifier les situations d’action impliquant les communs tissés autour de la terre et des ressources qu’elle porte, ainsi que les défis et les opportunités d’un accompagnement de ces dynamiques.
À la suite de ce travail, une seconde phase (2018-2020) a permis de préciser les modalités d’opérationnalisation de l’approche dans le cycle des projets de développement financés par l’AFD et impliquant des enjeux de gestion des ressources naturelles en milieu rural.
Méthode
Le CIRAD était en charge de l’animation de la réflexion collective au sein du CTFD sur la première phase, en vue de la rédaction d’un ouvrage collectif à destination des acteurs de la coopération internationale. Cela incluait la mise en place d’un groupe consultatif, la réalisation d’une étude documentaire et l’élaboration d’une grille d’analyse, ainsi que des études sur six terrains différents.
Ce travail a permis d’aboutir à une série de principes directeurs de l’approche par les communs. A partir de ces principes, une grille d'analyse et d'application a été proposée et testée sur un échantillon de projets de l’AFD à différents stades (identification, en cours, clôturé) et dans des pays d'intervention sélectionnés par l'AFD.
Cela a permis d’aboutir, dans une deuxième phase, à un guide opérationnel, construit avec l’AFD. Celui-ci vise à permettre aux agents de l’AFD et à leurs partenaires d’intégrer, sur une base non normative, une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte dans les projets financés.
Résultats
- L'ouvrage collectif Opportunités et défis d’une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte fournit un cadre de référence pour accompagner les communs lors de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des projets d’investissement initiés en milieu rural et ayant des impacts sur la formalisation des droits fonciers. Les quatre parties de l’étude permettent de 1) justifier, 2) circonscrire, 3) mettre en œuvre et 4) promouvoir une approche par les communs de « la terre et des ressources qu’elle porte » dans une perspective de développement durable.
- Des études de cas ont été publiées dans la collection « Regards sur le foncier ». Dans ce numéro, l’approche par les communs est illustrée par six études de cas, menées dans six pays : Cambodge, Madagascar, Cameroun, Sénégal, Comores, Kenya.
- Le guide opérationnel Approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte propose différents outils opérationnels pour intégrer l’approche par les communs dans la préparation, le suivi et l’évaluation des projets de développement financés par l’AFD et impliquant des questions foncières et de gestion des ressources naturelles. Il s’appuie sur des études de cas au Kenya, au Sénégal, au Mozambique et aux Comores.
A voir en vidéo : Sécuriser les communs dans la vallée du fleuve Sénégal
Enseignements
Le foncier est au cœur de la sécurisation de l’accès des ayants droit à la terre et aux ressources qu’elle porte. Il ne se réduit pas à la question de l’appropriation de l’espace. Partout dans le monde, il existe des actions collectives qui visent à la sécurisation des relations à la terre et aux ressources. Ces communs ne peuvent être réduits aux communautés traditionnelles fermées et basées sur des dimensions telles que l’appartenance, l’identité ou l’héritage. Ils sont vulnérables.
Trois recommandations transversales émergent :
- Favoriser les formes d’engagement et de co-apprentissage : rendre possible l’affirmation des différents enjeux et l’expression des différents points de vue ; faciliter le développement et le suivi des communs repérés ; promouvoir des modalités de suivi et d’évaluation innovantes.
- Prendre « les temps » en favorisant une délibération sur les temps des différents acteurs, un accompagnement sur plusieurs générations de projets et un renforcement progressif de l’environnement institutionnel.
- Appréhender la diversité.
Pour en savoir plus sur les communs de la terre et des ressources naturelles en Afrique, retrouvez le chapitre dédié dans l'ouvrage L'Afrique en communs.
Contact :
- Sigrid Aubert, chercheur HDR en droit au CIRAD (UMR SENS – Savoirs, ENvironnement, Sociétés)
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l'AFD