C’est une passion immense, profondément ancrée dans la société africaine, illustrée par l’incroyable engouement pour la Coupe d’Afrique des nations (du 13 janvier au 11 février en Côte d’Ivoire) et par une pratique sportive sans précédent sur le continent. La dynamique sociale et économique du football en Afrique est aujourd’hui telle que l’ouvrage L’Économie africaine 2024, sorti en janvier aux Éditions La Découverte en collaboration avec l’Agence française de développement, lui consacre pour la première fois un chapitre.
« Le football en Afrique joue un rôle fondamental dans la construction de l’identité et de l’unité du continent. Les équipes nationales de football sont de véritables symboles et ambassadrices de la fierté de tout un pays. Lors des compétitions internationales telles que la Coupe d’Afrique des nations (CAN), les populations se rassemblent pour soutenir leurs équipes, expérimentant ainsi un sentiment d’appartenance et de solidarité, notamment de la part de la jeunesse », écrivent ses auteurs, Gerard A. Akindes, Michel Desbordes, Christophe Dias et Victoria Eche.
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Respect, esprit d’équipe et confiance en soi
Alors que 60 % de la population africaine a moins de 25 ans et qu’un jeune sur trois sera africain en 2050, « le football, fédérateur, offre aux jeunes la possibilité de s’exprimer et de tisser des liens qui favorisent la cohésion sociale, soulignent les experts. Par son impact sur la santé, l’éducation, la cohésion sociale ou encore l’égalité femmes-hommes, le football est un accélérateur contribuant à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). »
L’ouvrage met notamment en avant le travail de l’ONG Play International, qui depuis plus de vingt ans considère le sport, et notamment le football, comme un outil de développement au service de l’éducation, de l’inclusion sociale et de la jeunesse. Son projet « Ejo » (« demain » en kirundi) a permis à plus de 50 000 enfants du Sénégal, du Liberia et du Burundi d’acquérir de nouvelles connaissances scolaires, ainsi que des compétences de vie telles que le respect, l’esprit d’équipe et la confiance en soi.
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Le rôle moteur de la Fifa est mis en lumière dans l’ouvrage. Grâce aux revenus des grands événements internationaux comme la Coupe du Monde, l’instance dirigeante du football mondial investit massivement dans le développement du football en Afrique. Son programme Fifa Forward a ainsi permis d’allouer 717 millions de dollars (660 millions d’euros) à 385 projets sur le continent entre 2016 et 2022. Il s’agit pour l’essentiel d’infrastructures sportives, de renforcement des compétences et d’organisation de compétitions.
Des ressources pas toujours utilisées
De 2023 à 2026, la Fifa prévoit de verser à chaque fédération nationale africaine membre jusqu’à 3 millions de dollars (2,75 millions d’euros) pour leur permettre d’investir dans des projets de développement du football sur leur territoire. Un budget de 38 millions de dollars (34,9 millions d’euros) est également prévu sur les trois prochaines années pour sa fondation, qui dispose de programmes de développement du football axés sur la santé, l’éducation, l’inclusion, la protection de l’environnement et le football féminin.
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Les fédérations nationales bénéficiaires n’utiliseraient néanmoins qu’une partie des fonds disponibles : « En 2019, les fédérations africaines de football n’ont consommé que 79 % des fonds mis à disposition par la Fifa. À cette même date, le Cameroun n’a consommé que 65 % de son enveloppe alors que, deux ans plus tard, il organisait la CAN 2021. Même constat pour le pays hôte de la CAN 2023, la Côte d’Ivoire, qui n’a utilisé que 50 % des fonds disponibles. »
Cette spécificité africaine s’explique, d’après les auteurs, par la difficulté des fédérations africaines à porter des projets conformes aux exigences du programme Fifa Forward, mais aussi par l’importance accordée au football par les États africains dans leurs politiques nationales de développement économique et social.
Politiques publiques sportives
À l’image du Sénégal, du Bénin ou de l’Afrique du Sud, ceux-ci s’emparent progressivement du sujet. « Le Maroc est le pays africain qui investit le plus dans le sport avec une contribution au PIB de 1,1 % en 2018. Cette prise de conscience se matérialise par l’adoption de politiques publiques sportives, par des budgets publics spécifiques dédiés à la promotion du sport, mais aussi par la volonté des États d’accueillir de grands événements sportifs internationaux sur leur territoire. »
Le Cameroun a quant à lui investi plus d’un milliard d’euros pour l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019 : infrastructures sportives, routes, hôtels, connexion internet, hôpitaux… Le Rwanda, de son côté, a fait du football un moyen d’améliorer son image et de renforcer son attractivité touristique : « Des partenariats inédits, connus sous le slogan Visit Rwanda, ont été signés avec les clubs d’Arsenal et du PSG, pour des montants qui s’élèvent respectivement à 36 et 30 millions d’euros sur trois ans. Les résultats de ces nouvelles formes de collaboration autour du football sont positifs. »
Le football en Afrique « est indéniablement le miroir d’un continent en pleine mutation économique, politique et sociale, concluent les auteurs de L’Économie africaine 2024. Néanmoins, certains défis sont encore à relever afin d’exploiter pleinement le potentiel du sport le plus populaire du continent. »
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