Confrontées aux grandes transitions sociales et environnementales, un nombre croissant d’entreprises et d’institutions sont appelées à rendre compte des impacts extra-financiers de leurs activités. Le Prospecteur ODD applique des méthodes d’intelligence artificielle (IA) pour cartographier l’alignement des banques publiques de développement (BPD) sur les 17 objectifs de développement durable (ODD). Une solution innovante pour mieux comprendre le rôle des BPD en matière de finance durable.
Contexte
522 : c’est le nombre de banques publiques de développement recensées à ce jour (Xu et al, 2021) et qui composent la coalition mondiale Finance in Common. Responsables d’environ 10% de l’investissement annuel mondial, ces institutions occupent une place essentielle dans l’architecture financière internationale. Détentrices d’un mandat et d’une responsabilité publique, elles mettent en œuvre des financements dans les secteurs où la rentabilité sociale et/ou environnementale est supérieure à la rentabilité privée, tels que la santé, l’éducation et la lutte contre le dérèglement climatique. Ainsi, elles sont appelées à jouer un rôle déterminant dans l’atteinte de l’Agenda 2030.
Certaines banques publiques de développement (BPD) analysent leur alignement avec les ODD, mais l’emploi de méthodes disparates ne permet pas d’obtenir des résultats fiables et comparables. Dans le même temps, la majorité des BPD publient chaque année un rapport d’activité et de développement durable. Ces documents, accessibles en ligne, sont une mine d’informations aujourd’hui peu exploitée et sur lesquels nous nous appuyons dans notre projet.
Objectif
Ce projet de recherche mené par l’AFD vise à tester le potentiel des technologies d’intelligence artificielle (IA) au bénéfice du développement durable. Il a abouti à la création du Prospecteur ODD, outil qui propose une méthode unifiée et pertinente pour cartographier les engagements extra-financiers des banques publiques de développement. Il permet de quantifier le degré d’importance accordé à chacun des 17 objectifs de développement durable dans la documentation officielle des BPD.
L’analyse a été menée sur une période couvrant cinq années (2016-2020) et 237 institutions. Ainsi, il est possible de dresser un panorama de l’alignement ODD par banque, géographies, tailles de bilan, mandats, niveaux de développement…
A lire : L'intelligence artificielle au service des ODD
Méthode
Afin d’extraire l’information contenue dans les rapports annuels des banques publiques de développement, le Prospecteur ODD applique une méthode d’intelligence artificielle spécialisée dans l’analyse du langage (Natural Language Processing). Cette technique innovante est plus précise qu’une analyse par mots clés, car elle permet à l’outil de reconnaître le contexte des phrases.
Pour cela, le Prospecteur ODD repose sur une base d’apprentissage, qui lui permet d’identifier lorsqu’un texte mentionne les ODD et de déterminer de quel ODD il s’agit. La base d’apprentissage est composée de plus de 8500 textes relatifs à l’Agenda 2030, issus principalement de documents des Nations unies, de rapports gouvernementaux et d’ONG. Spécialisé dans la reconnaissance des ODD, le Prospecteur partitionne chaque rapport annuel en paragraphes d’une dizaine de lignes et détermine s’il y est fait mention d’un, plusieurs ou aucun ODD.
Résultats
Les résultats permettent d’établir une cartographie détaillée du positionnement des BPD par rapport à l'Agenda 2030 et ses 17 ODD :
- Le discours stratégique et opérationnel des BPD est principalement structuré autour des ODD, tels que l’ODD 8 « Travail décent et croissance économique » et l’ODD 9 « Innovation et infrastructure » ;
- L’ODD 13 « Action climatique » est de plus en plus pris en compte par l’ensemble de l’échantillon, et nous constatons une corrélation positive entre la taille du bilan des BPD et leur prise en compte des ODD associés à la protection de l’environnement ;
- La biodiversité constitue une part non négligeable du narratif porté par les BPD ;
- Les ODD sociaux représentent 21 % du narratif des rapports annuels des BPD. Cependant, les ODD transversaux tels que l’égalité des sexes, la réduction des inégalités et l’éradication de la pauvreté représentent une part mineure du discours des BPD ;
- Les BPD semblables en termes de taille, de mandat et de géographie ont tendance à avoir le même discours autour des ODD.
Analyser un document avec le Prospecteur ODD : sdgprospector.org
Enseignements
Les techniques d’intelligence artificielle utilisées permettent de faire émerger des données nouvelles, à la fois pour la recherche et pour la mise en œuvre opérationnelle des ODD. D’autres projets innovants suivis par l’AFD contribuent à cette dynamique, à l’image du Challenge IA-Biodiv.
Lire le papier de recherche (en anglais) : « The proof is in the pudding: revealing the SDGs with artificial intelligence »
Contacts :
- Régis Marodon, conseiller senior « finance durable » à l’AFD
- Jean-Baptiste Jacouton, chargé de recherche à l'AFD
Ce projet de recherche portait sur les dispositifs collectifs d'accès au sol et au logement dans les villes en développement en lien avec les communs. Il a étudié la mise en œuvre de quelques formes collectives d'usage de la terre dans les villes en développement ainsi que leurs effets, notamment en termes d’accès au sol et au logement, de réduction des inégalités urbaines et d'inclusion sociale.
Contexte
Alors que la notion de « communs » fait l’objet d’un regain d’intérêt remarquable dans le monde académique, peu de travaux se sont intéressés à la question du foncier pour l’habitat dans les villes des Suds. L’accès au sol urbain est pourtant un enjeu majeur pour les citadins de ces villes en pleine croissance, déterminant pour l’amélioration des conditions de vie quotidiennes et pour l’accès à un « logement convenable », selon la terminologie onusienne. L’approche dominante en matière de foncier urbain, orientée vers la pleine propriété privée et le marché libre, génère accaparement spéculatif et exclusion des ménages les plus précaires. La force critique de la notion de communs ouvre des voies innovantes pour produire de l’habitat dans les Suds, selon des perspectives plurielles et attentives aux besoins et pouvoir d’agir des habitants.
Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du programme de recherche de l'AFD sur les communs.
Objectif
Ce projet de recherche a permis d’analyser la diversité des communs, hybrides, perméables, évolutifs – dans l’espace et dans le temps – orientés vers l’obtention et la sécurisation de droits d’accès au foncier et à l’habitat et aux services associés, qui naissent bien souvent d’opportunités spécifiques. Il s’est penché sur les manières originales de détenir le foncier en commun, pour une fonction d’habitat et dans une perspective non-spéculative (quand le transfert du foncier s’effectue selon un encadrement décidé au préalable par le collectif, sans plus-value).
Méthode
La méthodologie reposait sur des études de cas dans les villes en développement :
- La première phase de l'étude (2017-2018) a permis de réaliser trois enquêtes de terrain au Burkina Faso, au Kenya et en Inde.
- La seconde phase (2018-2020) était constituée de deux terrains supplémentaires (Brésil, Mexique) ainsi que du suivi des travaux menés en Nouvelle-Calédonie par des étudiants dans le cadre de l’Ecole des Affaires urbaines (mastère « cycle d’urbanisme ») de Sciences Po Paris.
L'équipe était composée d’un universitaire habilité à diriger les recherches (HDR), qui a assuré la direction et l'exécution de l'étude, d’un ingénieur de recherche, qui a assuré la coordination scientifique de l'étude, de chercheurs locaux spécialistes des questions foncières et urbaines dans les pays d'enquêtes.
Le travail a été réparti en cinq phases : recherche documentaire, recherche terrain, traitement des données, rédaction des livrables, valorisation des résultats.
Résultats
Ce projet de recherche a donné lieu à la publication de plusieurs papiers de recherche aux Editions Agence française de développement :
- « Communs fonciers pour des villes inclusives » : ce papier de recherche présente les principaux enseignements de 8 cas d’étude de sécurisation de l’habitat populaire par la propriété partagée du sol.
- « Le sol social mexicain porte-t-il encore des communs ? » : les communs fonciers mexicains subissent des transformations majeures depuis les années 1990. Ce papier de recherche présente les travaux par les étudiants du Cycle d’urbanisme de Sciences Po Paris, encadrés par Jean-François Valette, sur la périphérie de la zone métropolitaine de Mexico.
- « Régulariser les favelas de Rio grâce à la mise en commun des terres ? » : lumière sur un dispositif original de régularisation foncière collective dans les quartiers précaires, qui met en oeuvre la notion de propriété plurielle parcourant le droit brésilien, et qui défend le droit des habitants à rester sur place.
- « Les coopératives d’usagers en Uruguay : le défi de l’habitat comme commun » (en espagnol)
Le rapport final du programme de recherche sur les communs fonciers pour l’habitat dans les Suds est téléchargeable en cliquant ici.
L’ensemble des publications et des événements liés au projet sont recensés sur le site suivant : Communs fonciers pour l’habitat – Quelle contribution à l’inclusion urbaine dans les Suds ? (hypotheses.org)
Enseignements
« Les communs peuvent s’entendre comme une politique sociale de l’habitat, en proposant un accès au logement aux catégories sociales les plus vulnérables. En outre, ils peuvent constituer une alternative aux politiques publiques de logement plus classiques tournées vers l’accès à la propriété privée individuelle. Si ces initiatives résultent de collectifs d’habitants organisés, elles sont parfois encadrées par les gouvernements nationaux. Souvent acceptés, encouragés voire érigés en modèles à suivre, les communs font l’objet d’une attention accrue ces dernières années par des fédérations d’habitants, des associations, ONG et institutions internationales qui documentent leur fonctionnement et contribuent à la circulation internationale de ces idées alternatives. » (Simonneau et Denis, 2021)
A lire sur The Conversation : Le partage de la terre est-il encore un enjeu en Nouvelle-Calédonie ?
Contacts :
- Claire Simonneau, enseignante-chercheuse à l'université Gustave Eiffel et chercheuse au laboratoire Techniques, territoires et sociétés (LATTS)
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l'AFD
Ce projet de recherche avait pour objectif d’identifier les conditions et les modalités d’une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte. Il s’est appuyé sur la dynamique collective enclenchée au sein du comité technique « Foncier et développement » (CTFD) de la coopération française.
Contexte
Dans un contexte de crises politiques, économiques et écologiques, les sociétés contemporaines doivent s’adapter à de multiples enjeux globaux. Répondant à ces enjeux, posés à la fois par l’analyse des contextes locaux et par divers cadres internationaux, l’approche par les « communs tissés autour de la terre et des ressources qu’elle porte » place l’action collective au cœur du diagnostic et de la recherche de solutions. Elle entend ainsi faciliter l’émergence d’arrangements institutionnels, impliquant des groupes humains en interaction dans la prise en charge de problèmes explicitement posés à l’échelle locale, ainsi que dans la formulation de projets politiques visant à les résoudre.
Depuis 2015, le comité technique « Foncier et développement » (CTFD) de la coopération française, coprésidé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et l’AFD, s’interroge sur l’apport et l’opérationnalisation d’une telle approche dans le traitement des questions foncières et de gestion des ressources naturelles.
Ce projet de recherche s’inscrit dans le cadre du programme de recherche de l'AFD sur les communs.
Objectif
Dans sa première phase, l’objectif du projet était de mettre en place une dynamique collective de réflexion au sein du CTFD devant permettre d’identifier les situations d’action impliquant les communs tissés autour de la terre et des ressources qu’elle porte, ainsi que les défis et les opportunités d’un accompagnement de ces dynamiques.
À la suite de ce travail, une seconde phase (2018-2020) a permis de préciser les modalités d’opérationnalisation de l’approche dans le cycle des projets de développement financés par l’AFD et impliquant des enjeux de gestion des ressources naturelles en milieu rural.
Méthode
Le CIRAD était en charge de l’animation de la réflexion collective au sein du CTFD sur la première phase, en vue de la rédaction d’un ouvrage collectif à destination des acteurs de la coopération internationale. Cela incluait la mise en place d’un groupe consultatif, la réalisation d’une étude documentaire et l’élaboration d’une grille d’analyse, ainsi que des études sur six terrains différents.
Ce travail a permis d’aboutir à une série de principes directeurs de l’approche par les communs. A partir de ces principes, une grille d'analyse et d'application a été proposée et testée sur un échantillon de projets de l’AFD à différents stades (identification, en cours, clôturé) et dans des pays d'intervention sélectionnés par l'AFD.
Cela a permis d’aboutir, dans une deuxième phase, à un guide opérationnel, construit avec l’AFD. Celui-ci vise à permettre aux agents de l’AFD et à leurs partenaires d’intégrer, sur une base non normative, une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte dans les projets financés.
Résultats
- L'ouvrage collectif Opportunités et défis d’une approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte fournit un cadre de référence pour accompagner les communs lors de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des projets d’investissement initiés en milieu rural et ayant des impacts sur la formalisation des droits fonciers. Les quatre parties de l’étude permettent de 1) justifier, 2) circonscrire, 3) mettre en œuvre et 4) promouvoir une approche par les communs de « la terre et des ressources qu’elle porte » dans une perspective de développement durable.
- Des études de cas ont été publiées dans la collection « Regards sur le foncier ». Dans ce numéro, l’approche par les communs est illustrée par six études de cas, menées dans six pays : Cambodge, Madagascar, Cameroun, Sénégal, Comores, Kenya.
- Le guide opérationnel Approche par les communs de la terre et des ressources qu’elle porte propose différents outils opérationnels pour intégrer l’approche par les communs dans la préparation, le suivi et l’évaluation des projets de développement financés par l’AFD et impliquant des questions foncières et de gestion des ressources naturelles. Il s’appuie sur des études de cas au Kenya, au Sénégal, au Mozambique et aux Comores.
A voir en vidéo : Sécuriser les communs dans la vallée du fleuve Sénégal
Enseignements
Le foncier est au cœur de la sécurisation de l’accès des ayants droit à la terre et aux ressources qu’elle porte. Il ne se réduit pas à la question de l’appropriation de l’espace. Partout dans le monde, il existe des actions collectives qui visent à la sécurisation des relations à la terre et aux ressources. Ces communs ne peuvent être réduits aux communautés traditionnelles fermées et basées sur des dimensions telles que l’appartenance, l’identité ou l’héritage. Ils sont vulnérables.
Trois recommandations transversales émergent :
- Favoriser les formes d’engagement et de co-apprentissage : rendre possible l’affirmation des différents enjeux et l’expression des différents points de vue ; faciliter le développement et le suivi des communs repérés ; promouvoir des modalités de suivi et d’évaluation innovantes.
- Prendre « les temps » en favorisant une délibération sur les temps des différents acteurs, un accompagnement sur plusieurs générations de projets et un renforcement progressif de l’environnement institutionnel.
- Appréhender la diversité.
Pour en savoir plus sur les communs de la terre et des ressources naturelles en Afrique, retrouvez le chapitre dédié dans l'ouvrage L'Afrique en communs.
Contact :
- Sigrid Aubert, chercheur HDR en droit au CIRAD (UMR SENS – Savoirs, ENvironnement, Sociétés)
- Stéphanie Leyronas, chargée de recherche à l'AFD