Les populations vulnérables sont celles qui ont le plus pâti de la pandémie liée au Covid-19. À la différence de la crise financière de 2008-2009, les pays en développement ont cette fois-ci été les plus touchés. « Alors que les 40 % des personnes les plus riches de la planète ont récupéré plus de 45 % de leurs pertes de revenus moyens entre 2019 et 2021, les quatre déciles les plus pauvres ne sont pas encore parvenus à récupérer leurs pertes de revenus », détaille Thomas Mélonio, directeur exécutif de l'Innovation, de la recherche et des savoirs à l’AFD.
Pour réduire les inégalités entre les pays et en leur sein – l’Objectif de développement durable (ODD) n°10 de l’Agenda 2030 –, le groupe Agence française de développement et l’Union européenne travaillent main dans la main. Pour Martin Seychell, directeur général adjoint des Partenariats internationaux de la Commission européenne, « la réduction des inégalités peut accélérer les progrès vers les autres ODD et est essentielle pour respecter l’engagement de "ne laisser personne pour compte" ».
En 2017, l’AFD et l’UE ont lancé la Facilité de recherche sur les inégalités. Ce programme a pour objectif de mener des travaux de recherche sur les inégalités socio-économiques afin de pouvoir, dans un deuxième temps, accompagner certains pays dans la mise en œuvre de politiques publiques adaptées.
Une première phase très prolifique
La première phase du programme (2017-2020), financée à hauteur de 4 millions d’euros par la Direction générale des partenariats internationaux (INTPA) de la Commission européenne, a permis de mener 22 projets dans 32 pays et de publier une centaine de papiers de recherche.
Trois types de projets ont été réalisés : des projets globaux étudiant les déterminants et les dynamiques des inégalités socio-économiques, comme Comprendre le rôle de la fiscalité dans la réduction des inégalités en Côte d’Ivoire, au Mali et au Sénégal (voir plus bas) ; des projets villes et pays visant à appuyer les pays partenaires dans l’élaboration de politiques publiques (par exemple Inégalités d’accès aux services d’eau urbains à La Paz, en Bolivie) ; des projets outils analysant les inégalités pour pouvoir mieux y répondre (voir notamment Impact distributionnel des projets de coopération au développement au Cameroun, en Tunisie et en Colombie).
Lire aussi : Première phase de la Facilité de recherche sur les inégalités
Une deuxième phase concentrée sur quatre pays
« Après trois années de recherche aux niveaux global, national et local et en étroite coopération avec nos pays partenaires, poursuit Thomas Mélonio, nous souhaitons approfondir nos travaux à travers "l’extension" de cette facilité, pour la mettre de manière plus directe au service de pays ayant mis la lutte contre les inégalités au centre de leur agenda politique. »
Cette nouvelle phase (2021-2025), financée à hauteur de 3 millions d’euros par la Commission européenne, se concentrera sur quatre pays : la Colombie, l'Indonésie, le Mexique et l'Afrique du Sud.
Colombie : pour un système fiscal plus inclusif
Si de nombreux Colombiens ont pu sortir de la pauvreté ces dernières années grâce à des taux de croissance supérieurs à 3 % par an, leur pays reste l’un des plus inégalitaires d’Amérique latine. Dans le cadre de l’extension, un accent particulier sera mis sur les discussions autour de la politique fiscale et des dépenses publiques.
Cet aspect sera abordé en utilisant la méthodologie d’analyse de l’incidence fiscale développée par le Commitment to Equity (CEQ) Institute. Mené en étroite collaboration avec les ministères colombiens des Finances et du Plan, « ce programme encouragera les espaces de dialogue entre les différents acteurs de la société colombienne afin de sensibiliser et de faciliter la mise en œuvre des réformes dont le pays a besoin pour réduire les inégalités », explique Rocco Busco, chef de coopération à la Délégation de l’UE en Colombie.
Tout savoir sur la coopération entre le groupe AFD et la Commission européenne
Indonésie : inégalités et durabilité environnementale
En tant que pays archipélagique, l’Indonésie dépend largement du secteur de la pêche et de la qualité de son écosystème marin, gravement menacé par le changement climatique. Pour répondre à cet enjeu, l’Indonésie a créé un plan (2020-2024) de développement d’aires marines protégées (AMP) afin de promouvoir la conservation des écosystèmes marins dans certaines zones.
Les recherches préliminaires et les ateliers organisés en partenariat avec des centres de recherche locaux, l’AFD et la délégation de l’UE en Indonésie, ont mis en évidence le rôle des AMP dans la réduction des inégalités économiques, d’accès, de genre et de santé. Les études et les consultations supplémentaires viseront à identifier les options politiques possibles de soutien du gouvernement indonésien au déploiement d’AMP ayant un effet sur la réduction des inégalités.
Lire aussi : L’extension de la Facilité de recherche sur les inégalités
Mexique : marché du travail, santé et fiscalité environnementale
Le Mexique a bénéficié d’une croissance positive ces dernières décennies mais elle n’a pas été inclusive, comme le montre la prévalence de l’extrême pauvreté et des inégalités dans le pays. Les recherches conduites lors de la première phase de la facilité ont mis en avant un faible partage de la richesse et une mobilité sociale limitée.
Dans les mois à venir, l’extension concentrera ses recherches sur les liens entre les inégalités, le système des services à la personne et la fiscalité environnementale. Les résultats de ces études alimenteront le dialogue politique avec le gouvernement mexicain, en particulier le ministère des Finances, et conduiront à terme à la mise en place de politiques à fort potentiel en termes de réduction des inégalités.
Afrique du Sud : relance durable et transition juste
Malgré le déploiement d’efforts considérables pour améliorer le bien-être de ses citoyens depuis sa transition vers la démocratie au milieu des années 1990, l’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus inégalitaires au monde. Les recherches menées dans le cadre de la première phase de la facilité ont confirmé l’importance des inégalités spatiales et du rôle joué par le marché du travail dans la perpétuation de la polarisation de la société.
L’extension a ici deux principaux objectifs : développer un outil interactif, en ligne, permettant aux chercheurs, aux décideurs politiques et aux membres de la société civile d’une part de mieux appréhender les niveaux de bien-être au niveau local en Afrique du Sud ; d’autre part de mieux comprendre les externalités des subventions sociales et des programmes d’emploi public mis en œuvre en réponse à la crise actuelle.
Le rôle de la fiscalité dans la réduction des inégalités en Afrique
Alors que le sixième sommet Union africaine-Union européenne se tiendra les 17 et 18 février à Bruxelles (avec un side-event organisé par l’AFD le 14 février), les défis liés aux inégalités restent majeurs en Afrique. L’un des angles de recherche adopté par la facilité pour amorcer des solutions concerne la fiscalité. Les politiques budgétaires constituent en effet un instrument essentiel de lutte contre les inégalités via le volet fiscal et les dépenses publiques des gouvernements.
Le projet de recherche Comprendre le rôle de la fiscalité dans la réduction des inégalités s’est inscrit dans la première phase de la facilité et a notamment étudié la situation de trois pays d’Afrique de l’Ouest : la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal. Parmi les questions posées : qui paye les impôts et qui bénéficie des transferts et dépenses publiques ? Quels types d’instruments fiscaux réduisent les inégalités (« impôts progressifs ») ou les aggravent (« impôts régressifs ») ?
Parmi les résultats des différents papiers de recherche, il ressort que les systèmes fiscaux du Mali, du Sénégal et de la Côte d'Ivoire ont un impact légèrement progressif sur l'inégalité. Cela provient de la combinaison d'impôts directs relativement progressifs, d'impôts indirects régressifs et de dépenses publiques progressives dans l'éducation.
Ces résultats ont débouché sur des recommandations pour renforcer le pouvoir redistributif des systèmes existants, notamment : étendre la portée de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques ; réexaminer l'incidence des exonérations de la TVA et des taxes à l'importation ; accroître la transparence des dépenses publiques pour maintenir la volonté de payer des impôts à des niveaux élevés ; améliorer la qualité des données des enquêtes sur les ménages et promouvoir l'accès aux données fiscales.
Pour en savoir plus sur le side-event du 14 février : « L’Afrique (in)égale : comment assurer des trajectoires équitables vers la prospérité ? »
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Ce projet est réalisé avec le soutien de l’Union européenne