Article publié pour la première fois le 15 décembre 2021. Modifié le 29 avril 2022.
Depuis combien de temps l’AFD agit-elle en faveur de la liberté d’information ?
Ambroise Pierre, responsable d’équipe projet au sein de la division Gouvernance : C’est en 2016, lorsque l’AFD a reçu le mandat Gouvernance du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, que nous avons commencé à financer des projets dédiés à la liberté de la presse, au soutien et à la formation des journalistes, et au renforcement des médias et à la lutte contre la désinformation. Mais l’AFD était déjà active sur ces sujets depuis plus de dix ans via son soutien aux projets des organisations de la société civile (OSC).
Emilie Aberlen, chargée de projet à la division Organisations de la société civile : Grâce au dispositif Initiatives OSC, l’AFD est devenue l’un des principaux bailleurs de l’ONG Reporters sans frontières. D’une action initialement centrée sur la défense des journalistes, l’AFD a accompagné sa transition vers la défense d’un journalisme indépendant et de qualité, plus que jamais une condition essentielle de la vie démocratique et du respect des droits. L’augmentation de notre portefeuille d’initiatives OSC sur les médias illustre d’ailleurs la croissance de ces enjeux. Et de plus en plus de projets sur d’autres secteurs intègrent des partenaires médias pour conduire des actions de sensibilisation, de contrôle citoyen et de plaidoyer.
Jean-Bertrand Mothes, responsable de la division Fragilités, crises et conflits : Depuis huit ans, l’AFD, via la division CCC, parraine et remet chaque année le prix du public dans la catégorie photo du Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre. En 2021, c’est le photojournaliste palestinien Abu Mustafa Ibraheem qui a été primé pour son reportage « 11 jours de bombardements à Gaza ».
Pourquoi intervenir sur ces sujets ?
A. P. : Soutenir la liberté d’expression et d’information, c’est soutenir une liberté fondamentale et indispensable à la démocratie et au développement. Il n’existe pas de transparence sans accès à l’information ! Il ne peut pas non plus exister de participation citoyenne ou de contrôle citoyen de l’action publique sans pluralisme et possibilité de s’exprimer publiquement. C’est pourquoi, à l’AFD, nos projets sont tournés vers la structuration des médias et de leur écosystème. Soutenir les médias, c’est aussi une manière d’atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies : ce sont des espaces de dialogue, des outils d’inclusion et de puissants leviers de cohésion qui peuvent susciter des changements sur les questions de santé, d’éducation, de climat…
J.-B. M. : On peut prendre l’exemple de la zone sahélienne qui traverse une série de crises multiformes et où les médias, affaiblis par ce contexte dégradé, offrent pourtant une opportunité de redonner la parole aux jeunes et de les inclure dans le débat public. Dans cette zone, nous soutenons le projet MédiaSahel depuis 2019 avec CFI (groupe France médias monde). L’objectif est de renforcer les capacités des médias susceptibles de toucher les jeunes et les femmes, comme les radios communautaires et les réseaux sociaux. Ces médias sont formés à produire des contenus attractifs, indépendants et sensibles au genre et au conflit, donnant la parole à la jeunesse et valorisant ainsi leurs initiatives.
Quels autres exemples de projets pouvez-vous nous donner ?
A. P. : Au Moyen-Orient, nous finançons le projet Qarib (« proche » en arabe) qui vise à rapprocher les autorités et les citoyens à travers les médias. Cela passe par du soutien à de la production de contenus de proximité, un appui à des initiatives de lutte contre la désinformation, un accompagnement de médias indépendants dans leur modèle économique et la diversification de leurs sources de revenus, ou encore par l’animation de débats aux niveaux local, national et régional. Mis en œuvre par CFI en Irak, en Jordanie, au Liban et dans les Territoires palestiniens, ce projet permet de travailler avec des acteurs régionaux reconnus comme Arab Reporters for Investigative Journalism (ARIJ) ou la Fondation Samir Kassir.
J.-B. M. : Un autre projet, mis en œuvre dans le cadre de notre Initiative Minka Lac Tchad, est l’appui à Radio Ndarason Internationale (« Partout où vous êtes » en kanouri), une station de radio implantée au Tchad et dans le nord-est du Nigéria, qui émet également au Cameroun et au Niger. Difficultés socio-économiques, dégradation de la situation sécuritaire, crise humanitaire et alimentaire, déplacement de millions de personnes : depuis 2009, le développement de la région du lac Tchad est gravement affecté et les tensions intercommunautaires s’exacerbent, la cohésion sociale s’érode. Au-delà d’aider la structure à améliorer ses procédures et son fonctionnement global, notre soutien a par exemple permis à cette radio, qui émet en kanouri, kanembou, boudouma et français, de développer une nouvelle émission d’information et de dialogue régional.
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E. A. : Reporters sans frontières, avec qui notre partenariat sera renforcé courant 2022, a lancé en 2018 deux grandes initiatives pour lutter contre le chaos informationnel et assurer la régulation de l’espace mondial de l’information. Le groupe AFD accompagne actuellement la participation des sociétés civiles du Sud à ces initiatives pour qu’elles soient déclinées dans les cadres de régulation et pratiques journalistiques de plusieurs autres pays, tels le Burkina Faso, le Bénin, la RDC, la Côte d’Ivoire, le Liban, le Mali, le Sénégal et la Tunisie. Par ailleurs, avec Orient XXI, nous appuyons aussi le développement de sites d’information indépendants sur le monde arabe : ce projet développe un réseau de médias pour renforcer les compétences professionnelles et la structuration de ces médias en Égypte, Jordanie, Liban, Syrie et Tunisie.